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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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s’y prend-on pour que le cœur s’arrête de battre fort et que le ventre ne fasse plus mal ? Un jour, on a parlé devant lui d’un homme trouvé mort, rue de la Tonnellerie, pas très loin de l’hôtel du marquis, un couteau dans la gorge.
    — Comme celui-ci, grognait la cuisinière en brandissant la lame dont elle se servait pour découper la volaille, et aussi pour écarter les bougres quand ils s’approchaient trop d’elle.
    Mais Toussaint ne possède pas d’arme et s’il en trouvait une, il s’en servirait d’abord contre ses ennemis. De quelle manière enfonce-t-on une lame sous la peau ? Il n’a jamais tué de chat, malgré les racontars. En revanche, et personne ne le sait, le jour de son départ, il a attrapé le rat avec qui il dormait et lui a tordu le cou. Il l’a fait pour le bien de l’animal. Il n’y a rien de pire que d’être abandonné, et le rat l’aurait été puisqu’il n’avait que Toussaint. Mais ôter la vie à Ravort est plus difficile. Il se sent si mal qu’il tape du poing sur la table. La plume jaillit de l’encrier, noircit la feuille où le nargue le cercle inventé par le père Boulanger. Il balaie le tout, renverse la chaise, sort en courant. Il s’en va à la chapelle pour se réfugier et se cache derrière l’autel, roulé, replié la tête sur les genoux, tel l’enfant dans le ventre de sa mère. Il attend de mourir. Il ferme les yeux, sommeille, peut-être, dort un peu, et beaucoup mieux qu’au dortoir. Il sursaute en entendant la cloche du dîner. Il sent l’odeur du chou. Qu’il est bien ici !
    Soudain, un bruit se fait entendre. Quelqu’un ouvre la porte. Ravort ? Pris de panique, Toussaint se précipite dans la sacristie et trouve refuge dans une armoire sentant l’encens et le vin de messe. Mais on approche, tire la porte, entre. Il croit reconnaître le timbre d’Octave Baltius, chef de la chorale et patron des lieux. Le jésuite n’est pas seul et vient de prononcer le nom de l’inconnu :
    — Monsieur Nicolas Pontgallet, je connais votre talent…
    — De grâce, roucoule le maçon, pas de flagornerie en ces lieux saints.
    — Allons ! On vous doit le château de feu notre bon roi Louis XIII.
    — Le mérite en revient aussi à l’architecte Philibert Le Roy, concède Pontgallet sans y mettre trop d’enthousiasme.
    — Et donc, vous avez pris sa place ?
    Il devrait répondre que non.
    — Remplace-t-on l’irremplaçable ? susurre-t-il, et la modestie plaît à Baltius. Quoique, se reprend le bâtisseur, reproduire à la perfection le chef-d’œuvre des plus anciens, c’est le dessein de l’artisan. Je m’y attache de mon mieux depuis des années et, glisse-t-il adroitement, ma clientèle ne s’en plaint pas. Je termine à présent le chantier de l’abbaye Saint-Antoine et je vous invite à en parler avec sa sainte abbesse qui, j’en mettrais ma main à couper, vous décrira l’attention que j’ai mise dans l’exécution des travaux.
    — Je l’ai entendu dire, en effet, grommelle le prêtre.
    Pontgallet se vante, se compare à un architecte et prétend exceller aussi bien. L’entrepreneur est en affaires, en rendez-vous avec le père Baltius.
    Toussaint Delaforge comprend-il ce qui se raconte ? Les deux personnages sont passionnés, volubiles, irrespectueux des lieux où on lui a appris qu’il était interdit de baîller, de tousser, pis encore, de parler. Quel pouvoir les autorise-t-il à enfreindre la loi du collège ? Ils conversent librement, sans méfiance. Aucun ne s’intéresse à l’armoire dont la porte entrebâillée peut à tout moment trahir la présence de l’élève. Des travaux ? C’est le mot qu’ils emploient.
    — Il faudra détruire . Ce n’est pas réparable, affirme le visiteur.
    — Voulez-vous dire qu’il faut s’en prendre à ces murs ?
    — Bien plus ! La voûte est dans un triste état. L’eau entre par ici. Voyez vous-même, l’humidité attaque la pierre, la pluie la décolle et le gel achève son œuvre diabolique. Tenez ! Le salpêtre décolle la chaux. Oui, je crains qu’il faille démolir le chœur. Sans compter ce que nous trouverons en désossant la toiture.
    — La toiture !
    — Cette fente m’inquiète. Qu’y a-t-il derrière ?
    — Les classes et au-dessus les dortoirs, bredouille Baltius.
    — Il y a trop de risques. Il faudra songer à trouver un autre lieu pour assurer votre enseignement, prédit sombrement le maçon.
    — Votre analyse est très inquiétante.
    — Elle se

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