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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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La vérité est crue, répondit le révérend d’un ton empesé.
    — Expliquez-vous, réclama aussitôt François.
    Le piège se refermait.
    Marolles n’eut plus qu’à livrer sa version. Marie était une fille mère connue lors du secours qu’il apportait aux indigents, selon les vœux même du marquis. Et ce dernier opina. Elle avait été accueillie pour servir. Ce qui fut également confirmé. Et elle avait renoncé de son propre chef à l’asile que lui offrait La Place, peu avant d’accoucher. À son habitude, le peu disert marquis acquiesça du menton. Mais, ajouta le prêtre, ces révélations étaient si cruelles et si désolantes, qu’il n’avait pu se décider à les partager avec un jeune homme jugé fragile et trop impulsif. Aussi s’accusait-il d’avoir menti par omission, même si son dessein demeurait vertueux.
    — Vous manquez de courage, avait cinglé François.
    — Oui, je pèche par trop de bienveillance.
    — Je vais m’en charger !
    Le capitaine de Voigny rêvait depuis longtemps de remettre l’orphelin à sa place. En apprenant que celui-ci se trouvait seul avec Aurore, son sang ne fit qu’un tour. Il bondit. Son père obtint toutefois qu’il se fasse accompagner de son jeune frère, plus mesuré – mais bien incapable de contrôler la fougue du soldat. On connaissait l’aîné, on savait de quoi la colère le rendait capable.
    Marolles accepta au prétexte que la mansuétude agissait sur sa volonté et, dit-il, François se montrerait sans doute plus persuasif que lui. Puis il compta les minutes. S’en donna dix, en ajouta cinq avant de rejoindre le vestibule. En entrant, il comprit que tout était joué . Et s’en réjouit.

    Oui, le retour sera pénible, mais la torture s’achève. S’il vient à son filleul l’envie de l’interroger, ses réponses sont prêtes. Qu’en est-il du mensonge du matin quand il prétendait n’avoir connu Marie qu’au jour de sa mort ? Mais pour te préserver, cher filleul. La rencontre avec Marie ? Trois ou quatre mois avant la tragédie. Voyons voir… Un soir, alors qu’il portait l’extrême-onction à un pauvre bougre, il croisa une jeune fille qui semblait perdue… Pourquoi l’a-t-il fait entrer au service du marquis ? La magnanimité. Ce mot seul suffirait. Pourquoi était-elle partie ? Un simple haussement d’épaules. Comment savoir ? Pour finir cet interrogatoire, il conclurait sur sa dernière rencontre, voulue par sa mère qui, dans un dernier soupir, avait souhaité lui confier la garde de son enfant. Après cela, pouvait-on lui reprocher quoi que ce soit ? Non, vraiment, se dit-il alors qu’ils sortent rue de la Couture-Sainte-Catherine : l’affaire est close.
    — Nous sommes très en retard. La cloche du collège va sonner…
    Toussaint sort de ses rêveries. Le visage est terreux, le regard s’échappe et plonge dans les abysses de son passé.
    — Le collège ? répète-t-il à mi-voix.
    — Son préfet de discipline ne t’accordera pas de délais.
    — Passe-Muraille , chuchote le pensionnaire.
    — Qui ?
    La question a au moins le mérite de le sortir de sa torpeur.
    — Calmés, Baltius, votre Supérieur, tous les autres… C’est fini.
    — Que marmonnes-tu ? s’impatiente Marolles.
    — Je ne retournerai pas à Montcler. La voix est calme : ce n’est pas la place d’un fils de catin.
    — Mais enfin, mon ami… C’est impossible ! bredouille le jésuite, devinant un nouveau danger.
    — Ne cherchez plus à me diriger. Mon père peut le faire. Et…
    Il tourne la tête à droite, à gauche, s’arrête sur les passants, un rictus sur les lèvres :
    — Serait-ce lui ? Ou lui ? Voulez-vous que je demande ?
    — Je t’en prie… Allons ! Ressaisis-toi.
    — À moins qu’il se cache chez le marquis de La Place auprès du spectre de ma mère… Peut-être m’a-t-il vu tout à l’heure…
    Pourquoi dit-il cela ? Par bravade ? Pour se moquer du jésuite et de sa religion qui bannit la sorcellerie et toutes les complicités avec l’au-delà ? Parce qu’il ne supporte plus d’avoir été défait par le fils du marquis. Pour ne pas ignorer aussi que c’en est fini avec Aurore. Mais surtout, parce qu’il hait cette famille qui semble s’être liguée afin de l’humilier.
    — Qu’en dites-vous ? ricane Toussaint.
    Le jésuite panique et c’est exactement comme ce matin : sa tête est toujours celle du menteur.
    — Ignorant qui est mon père, rien ne m’interdit d’en imaginer un, poursuit-il,

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