Une histoire du Canada
Khartoum.
L’opinion publique en Grande-Bretagne oblige le gouvernement libéral de Gladstone à envoyer des renforts le long du nil pour venir en aide à Gordon. Quelqu’un au War Office rappelle qu’il y a au Canada de grandes rivières et des flotteurs de bois ; c’est exactement ce qu’il faut.
Le gouvernement britannique fait sur le champ appel au premier ministre, sir John a. Macdonald. Ce dernier expédie bel et bien des flotteurs de bois, qui ne sont nullement des soldats, mais la situation de Gordon s’aggrave – il sera débordé et tué par les insurgés en février 1885 – de sorte qu’on fait pression sur le Canada pour qu’il fasse davantage.
Macdonald résiste à la pression. Gladstone est le premier ministre porté sur l’économie qui a retiré la garnison britannique du Canada en 1871, laissant aux Canadiens le soin d’assurer leur défense militaire. C’est le gouvernement de Gladstone qui a insisté pour apaiser les américains grâce au traité de Washington cette même année. Macdonald ne l’a pas oublié.
Pourquoi, demande-t-il, devrions-nous « sacrifier nos hommes et notre argent pour sortir Gladstone et cie du guêpier où ils sont allés se fourrer en raison de leur propre imbécillité24 » ? L’armée canadienne, en réalité, ne quitte pas le pays. sa seule activité à l’étranger réside dans le départ des diplômés du Collège militaire royal du Canada, fondé tout récemment (en 1876), pour des unités de l’armée britannique à l’étranger, étant donné qu’on ne trouve aucune façon de mettre leurs talents à profit au pays25.
Macdonald a bien fixé une norme pour résister à l’aventurisme impérial, mais ce n’était rien de difficile. Gladstone renonce à intervenir au soudan, préférant concentrer ses efforts sur l’éternel problème du renforcement des liens avec le gouvernement irlandais. il ne connaît pas plus de réussite dans cette tâche puisqu’il chasse de son Parti libéral une faction « unioniste » dirigée par l’un de ses ministres les plus prometteurs, Joseph (Joe) Chamberlain. Ce dernier finit par amener les ex-libéraux dissidents à s’allier au Parti conservateur. au moment de l’accession au pouvoir des conservateurs en 1895, Chamberlain a le choix entre les postes au sein du cabinet. Curieusement, aux yeux de ses contemporains, il opte pour le secrétariat aux colonies, jusque-là plutôt obscur et bas de gamme.
10•explosioneTmarasme,1896–1914
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il y occupe le poste de secrétaire de 1895 à 1903. sous sa direction, la vie dans les colonies n’a rien d’ennuyeux. il souhaite ardemment rapprocher les colonies de la mère patrie. Géopoliticien dans l’âme, Chamberlain est convaincu que, confrontée à la puissance américaine et allemande, la Grande-Bretagne ne tardera pas à perdre son statut. il convoque une conférence des colonies à Londres qui coïncide tout juste avec le jubilé d’argent de la reine victoria pour marquer sa soixantième année sur le trône en 1897.
La conférence des colonies rassemble les premiers ministres des colonies autonomes sous la présidence du secrétaire aux colonies26. L’idée de « fédération impériale » est dans l’air et ce, bien que personne n’en ait encore élaboré une version qui plaise aux éléments constitutifs de l’empire.
Les Britanniques n’ont aucune envie de donner à leurs colonies quelque mot à dire important que ce soit en matière de politique étrangère impériale, de politique impériale commune sur les tarifs ou autres questions du genre.
de leur côté, les colonies craignent de se retrouver à nouveau sous tutelle anglaise étant donné l’écart immense entre la puissance, la richesse et la population britanniques et celles des diverses colonies autonomes.
si Chamberlain espère ressentir des volontés d’unité au cours de cette conférence, il n’en retire, au mieux, qu’une harmonie superficielle. Le secrétaire aux colonies n’a pas grand-chose à offrir aux premiers ministres.
en ce qui a trait au cabinet britannique, il n’est pas question d’offrir quoi que ce soit aux colonies en retour de leurs tarifs préférentiels et d’une position privilégiée sur le marché britannique. C’est le libre-échange, aussi proche d’un consensus universel qu’on puisse l’imaginer, qui constitue l’assise de la politique britannique ; et cela prendrait un politicien irréfléchi pour le remettre en question. en
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