Une histoire du Canada
avec ses ministres, qui sont plus politiques ; selon eux, il ne comprend pas que, pour subsister, son Parti conservateur a besoin de plus qu’une petite dose de « bon gouvernement ». À court terme, ils se trompent, mais à long terme, il est difficile de ne pas en venir à la conclusion que Borden détruit la structure existante du parti sans pour autant offrir une autre option. au moment où on s’en aperçoit, la guerre est terminée et Borden est parti.
L’épisode de Hughes ne nuit pas vraiment au premier ministre mais il n’indique nullement qu’il est un chef confiant et décisif. il faut des circonstances extérieures pour le pousser à réorganiser son gouvernement 11•Briserlemoule,1914–1930
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et ses objectifs. alors que les pertes s’accumulent au sein des troupes canadiennes envoyées outre-mer et qu’il devient impossible de les maintenir en puissance sous le régime politique existant, Borden conclut que leurs sacrifices nécessitent une réponse différente. La guerre détruit le moule politique canadien : il revient à Borden de faire ce qu’il peut pour le transformer.
STRATéGiE ET pERTES
Les soldats volontaires canadiens, le CeC, sont intégrés à l’armée volontaire britannique, le CeB. La Grande-Bretagne est le seul combattant qui n’a pas recours à des forces de conscrits en 1914 ; par conséquent, l’armée britannique est moins importante que les armées allemande, russe ou française. Ces dernières se préparent pour la guerre depuis des années en élaborant des manœuvres de mobilisation complexes en fonction des chemins de fer et des horaires. Le déplacement d’une armée et son maintien en puissance est une initiative importante ; une fois commencée, il est difficile de l’arrêter.
Les combattants de 1914 ne veulent pas arrêter. ils créent une guerre sur deux fronts, le long des frontières est et Ouest de l’allemagne.
Les allemands tentent d’attaquer en premier à l’ouest afin d’éliminer la redoutable armée française avant de s’en prendre aux russes mais ils ne réussissent pas à vaincre les Français ni à s’emparer de Paris. Bien que les pertes soient importantes, les Français tiennent les allemands à distance de leur capitale pour ensuite effectuer une série de manœuvres de débordement, déployant les combats jusqu’à la côte belge de la mer du nord, aux abords de la ville médiévale d’Ypres. en se déplaçant vers le nord, les armées creusent des tranchées le long de la route. en décembre 1914, une ligne de tranchées – « le front Ouest » – s’étend de la frontière suisse, la suisse étant neutre, jusqu’à Ypres.
Les armées britannique et française se rencontrent à Ypres et on y envoie les premiers soldats canadiens, au printemps 1915. Les allemands choisissent d’essayer leur nouvelle arme sur Ypres. Leurs chimistes ont concocté un gaz toxique que le haut commandement allemand lance sur les soldats alliés. Le gaz est efficace jusqu’à un certain point. Certaines unités alliées s’enfuient mais les Canadiens défendent leur position et les allemands échouent dans leur percée. Le gaz toxique laisse entrevoir que cette guerre est plus effroyable que les conflits précédents, mais ce n’est qu’un des dispositifs mécaniques qui font en sorte que la « Grande Guerre »
sera différente des autres. Les deux camps se servent de gaz toxique mais les alliés sont avantagés par les vents dominants de l’ouest. Bientôt, les 274
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masques à gaz sont mis au point en conséquence et le gaz ne s’avère pas l’arme décisive à laquelle ses inventeurs s’attendaient.
il en est de même en ce qui concerne une réalisation ultérieure, le char d’assaut. Consistant essentiellement en une plateforme d’artillerie moderne, les chars d’assaut sont d’abord utilisés sur le front Ouest en 1916. Conçus par les Britanniques, ils sont copiés par les autres principaux combattants. solidement blindés mais sousmotorisés, les chars ont tendance à tomber en panne au bout de quelques heures d’utilisation. C’est pourquoi les chars de la Grande Guerre sont des armes marginales, parfois utiles mais jamais décisives.
au front, la Grande Guerre est une guerre d’artillerie et de mitrailleuses, et à l’arrière, de ravitaillement – en nourriture et munitions.
L’artillerie est censée préparer la voie pour que l’infanterie puisse attaquer en détruisant les tranchées
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