Une histoire du Canada
tout comme la promesse de Borden d’exempter les agriculteurs de la conscription. Les agriculteurs et les autres électeurs à l’extérieur du Québec ont également l’impression que les renforts nécessaires seront recrutés dans cette province23. Le vote rural non québécois se montre subitement plus favorable aux conservateurs et à toute personne se présentant sous la bannière de Borden.
11•Briserlemoule,1914–1930
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La date des élections est fixée en décembre 1917. Comme il l’a espéré, Borden rassemble ses libéraux dissidents, renforçant le gouvernement en Ontario et dans l’Ouest. À des fins partisanes, les questions sont simplifiées.
Un journal de la saskatchewan demande : « do we want German rule24 ? »
(voulons-nous un gouvernement allemand ?). dans ce cas, votez pour Laurier ; sinon, votez pour Borden. Laurier se trouve à diriger un parti canadien-français comptant peu de fidèles. Les candidats canadiens-anglais qui se présentent sous la bannière de Laurier savent qu’ils sont pour la plupart voués à la défaite – des hommes comme Mackenzie King, l’ancien ministre du travail. King hésite mais prend finalement, ou on lui impose de prendre, la bonne décision. il perdra en 1917 mais cette défaite atteste de sa fidélité à Laurier et à la cause du compromis anglais-français au Canada.
Borden remporte une majorité de sièges ainsi que la conscription.
ses partisans l’emportent dans une campagne qui n’est pas loin de prôner la haine raciale, ce qui ne passe pas inaperçu au Québec. Comme en 1911, Borden n’est pas très difficile quant à la méthode utilisée pour gagner – un cas classique de fin justifiant les moyens. À court terme, c’est ce qui se produit, mais la politique n’est pas seulement menée pour le présent, elle est aussi influencée par le souvenir. On rappellera à maintes reprises les élections de 1917 au cours des vingt prochaines années au Québec, avec des résultats dramatiques pour le Parti conservateur.
Quelques rares renforts rejoignent l’armée en France, y compris certains conscrits du Québec. Borden a atteint son objectif en partie mais à un coût élevé sur le plan de la politique. en réalité, c’est Laurier qui remporte la bataille, à défaut de l’élection, quoiqu’il s’agisse sans aucun doute d’une confrontation qu’il aurait mieux aimé éviter. en tant que chef libéral, il se sent abandonné et trahi par certains de ses anciens associés. Par contre, au Québec, c’est Laurier qui obtient satisfaction, et non pas Bourassa. Ce dernier n’intervient pas. au Québec, l’opposition à Borden et à sa politique demeure dans les mains des libéraux, qui constituent typiquement le parti de l’ establishment . Même Bourassa, qui n’est pas séparatiste et ne le sera jamais, ne prône pas le départ du Québec de la fédération canadienne25.
On assiste évidemment à des refus de se soumettre à la conscription et à d’autres formes de résistance. À Québec, des troupes de l’Ontario font feu sur des émeutiers mais l’émeute se calme au lieu de s’étendre.
au printemps 1918, la résistance au Québec est le dernier des soucis de Borden. en mars, l’armée allemande prend d’assaut les lignes britanniques en France et réussit presque à faire une percée. devant faire face à la possibilité d’une défaite militaire imminente, Borden rompt sa promesse électorale et applique la conscription aux fils d’agriculteurs26.
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Borden se rend également à Londres au printemps 1918 pour une autre ronde du cabinet impérial de guerre ; il y restera jusqu’en août. Les ministres réunis sont sceptiques, voire désespérés. il est clair que la guerre doit se poursuivre ; la question qui se pose est de savoir comment. La réponse, comme toujours, consiste en une augmentation sur tous les plans
– des renforts, du ravitaillement, des taxes – ce qui est quand même moins démoralisant que ça aurait pu l’être, puisque sur le plan de l’économie, le gouvernement canadien se porte beaucoup mieux que prévu.
Bien que les résultats de la conscription de Borden soient décevants, on ne peut en dire autant de sa mobilisation industrielle. Une fois qu’on retire à sam Hughes la responsabilité des munitions, la production de guerre connaît une forte expansion. au Canada, la responsabilité de la fabrication des armements est transférée du
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