Une histoire du Canada
serait dirigée l’alliance anglo-japonaise maintenant que la marine allemande repose au fond de l’océan. Le Canada est le membre de l’empire le plus près de états-Unis et le plus exposé au courroux des américains.
La Conférence impériale entraîne un conflit entre deux stratégies impériales – celle du Canada, qui favorise avant tout l’harmonie avec les états-Unis, et celle de Lloyd George (et de l’australie), qui soutient qu’une évaluation rationnelle de la défense de l’empire doit prendre en considération le risque d’offenser le Japon. Meighen affirme sans détour 11•Briserlemoule,1914–1930
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que le Canada ne peut pas accepter, et n’acceptera pas, une politique qui offense les états-Unis. au début, Lloyd George maintient sa position. s’il le faut, le Canada partira.
La position de Lloyd George découle davantage de son imagination et de la mésinformation que du principe. il ne croit pas à l’irritation profonde des américains. Lorsque, très tardivement, il apprend que celle-ci est réelle (et que Meighen avait toujours eu raison), il change radicalement de position. L’alliance anglo-japonaise est mise en veilleuse et l’empire britannique consent à une conférence navale à Washington, avec les états-Unis et d’autres puissances intéressées. en 1922, après la conférence, l’alliance anglo-japonaise n’existe plus, remplacée par un pacte multilatéral pour le désarmement naval et des ententes relatives au désarmement autour du Pacifique. L’australie est satisfaite du résultat, tout comme le Canada bien sûr.
Lorsque la conférence de Washington prend fin, un nouveau gouvernement siège à Ottawa. Mackenzie King n’a pas connu la solidarité impériale pendant la guerre ; à la différence de Borden, il considère que le principal effet de la guerre est de diviser l’opinion au pays, bien que son intention ne soit nullement de contester les sacrifices qu’ont dû faire les Canadiens pour la gagner. King hérite de la méfiance de Laurier à l’égard des stratagèmes de l’empire, quoiqu’il ne doute pas – encore comme Laurier
– que l’identité du Canada soit principalement britannique. il y a toutefois des limites à être britannique, ce que King découvre dès le début alors que Lloyd George tente d’entraîner l’empire dans une guerre mal inspirée avec la turquie en 1922 – appelée l’affaire Chanak en raison de l’emplacement du conflit. Chanak ruine Lloyd George et détruit son gouvernement. La guerre contre la turquie n’a pas lieu mais King fait clairement comprendre que s’il y en avait une, le Canada n’y prendrait pas part automatiquement.
King explique son point de vue au premier ministre britannique, le conservateur stanley Baldwin, lors d’une Conférence impériale en 1923. s’il se produit un « appel du devoir impérieux et manifeste », dit-il, le Canada se rangera alors du côté de la Grande-Bretagne, comme en 1914. Chanak ne constitue pas un appel du genre et, par extension, aucune autre aventure impériale mineure ne peut également prétendre à ce statut.
King renforce sa position en nommant au poste de conseiller en chef de la fonction publique le très nationaliste doyen des arts de l’Université Queen’s, O. d. skelton. skelton partage les tendances de King en ce qui a trait à l’isolement canadien, qui sont de plus en plus prononcées dans les années 1920. il espère que pendant une décennie de paix, le traditionalisme anglo-victorien de King ne sera pas mis à l’épreuve par l’ « appel du devoir impérieux et manifeste ».
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King et skelton ont de la chance. Le secrétaire d’état britannique aux affaires étrangères, lord Curzon, n’a pas l’intention de soutenir une
« politique étrangère impériale » si cela signifie qu’il doit consulter les dominions au sujet des plans britanniques en matière d’affaires étrangères.
Les dominions peuvent s’y opposer ou se taire. Comme King décide de s’y opposer, il pourrait être retiré de la politique britannique et, sous la gouverne de Curzon et de ses successeurs, le Canada et les autres dominions qui hésitent sont retirés des traités britanniques. Le Canada pourrait adhérer à cette politique s’il le désire mais il n’a pas à le faire. À l’avenir comme par le passé, la Grande-Bretagne informera l’empire mais ne le consultera pas ; entre temps, la Grande-Bretagne, comme
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