Une histoire du Canada
de francophones), on s’attend à ce que trudeau mette à exécution sa réforme constitutionnelle – une promesse qu’il n’a pas faite. Comme il n’en fait rien, les nationalistes le considèrent par la suite comme un escroc qui a trompé les Québécois. dans son discours de concession, Lévesque avance de manière peu élégante que le camp du Non n’a pas joué franc jeu, ce qui renforce la légende nationaliste voulant que la défaite du séparatisme soit illégitime, sans que l’on sache comment.
Pourtant, pour l’instant, il est clair que le résultat est contraignant.
exténués, les Québécois se tournent vers Ottawa pour la prochaine ronde dans la saga constitutionnelle du Canada. « Lévesque est un eunuque politique », fait observer un premier ministre d’une province de l’Ouest.
« C’était à nous de nous en prendre à trudeau43. » Ce qui suivra dépend de trudeau, le vainqueur.
LA cOnSTiTUTiOn DE TRUDEAU
si Pierre trudeau avait démissionné pour la dernière fois en 1979, on s’en souviendrait comme d’un premier ministre intéressant mais infortuné, sa période au pouvoir ayant représenté un pont entre le libéralisme des années 1960 et le néo-conservatisme des années 1980. il constituerait une déception, un peu comme John diefenbaker, pour n’avoir pas réussi à saisir le moment et à améliorer le pays. Pourtant, grâce à une série d’accidents politiques, – le fait que Joe Clark n’ait pas obtenu une majorité parlementaire aux élections de 1979, et ses déboires politiques ultérieurs – trudeau obtient une seconde chance en politique, ce qui est rare, comme sir John Macdonald, en 1878, et Mackenzie King, en 1935.
Macdonald et King sont considérés comme de grands premiers ministres ; en sera-t-il ainsi de trudeau ?
Cette fois-ci, trudeau détermine qu’il ne sera pas prisonnier du processus. il ne fera pas de concessions aux intérêts locaux ou provinciaux 424
UnE HIsTOIRE dU Canada
– il l’a essayé dans les années 1970 et n’a réussi qu’à stimuler une plus grande demande44. il laissera sa marque sur le pays en remaniant la Constitution et, par le fait même, règlera une fois pour toutes le problème du Québec.
soit dit en passant, en consolidant les pouvoirs du gouvernement fédéral, il préservera aussi le Canada.
Les idées constitutionnelles de trudeau sont bien connues. il veut transférer le pouvoir de modifier la Constitution de la Grande-Bretagne, où il stagne depuis 1931, au Canada (le terme utilisé est le rapatriement du pouvoir, ce qui n’est pas tout à fait juste puisque le Canada n’a jamais eu le pouvoir de la modifier45). il veut une charte des droits, un peu comme la déclaration des droits, qui donne du pouvoir aux individus par la définition et la défense de leurs libertés. il réalisera le rêve d’Henri Bourassa d’un nouveau Canada, un Canada meilleur, en implantant le bilinguisme d’un océan à l’autre – y compris au Québec.
au Canada, les modifications constitutionnelles mettent en jeu les provinces ; traditionnellement, on leur demande leur consentement pour tout changement pouvant avoir une incidence sur les pouvoirs provinciaux.
Lorsqu’un programme est accepté, comme l’assurance-chômage en 1941, le gouvernement fédéral fait parvenir l’entente à son homologue britannique, qui présente alors au Parlement britannique une modification à l’acte d’amérique du nord britannique.
À l’été 1980, trudeau, suivant la procédure habituelle, envoie Chrétien, son ministre de la Justice, dans les capitales provinciales dans le but d’obtenir un consentement unanime au rapatriement de la Constitution et à une Charte des droits. Mais, tout comme trudeau dans les années 1970, Chrétien se rend compte qu’il est impossible de conclure une entente sans faire de concessions à chacune des provinces. C’est ce qui ressort de la rencontre des premiers ministres à Ottawa en 1980 alors que, devant les caméras de télévision, ces derniers font bien comprendre qu’en aucun cas, trudeau n’obtiendra ce qu’il veut.
il existe un autre moyen, précisé dans un document stratégique fédéral qui a été divulgué à la presse au cours de l’été. en supposant que les provinces soient incapables d’arriver à un accord constitutionnel, il suggère à trudeau de diriger les premiers ministres vers un échec spectaculaire, montrant ainsi qu’ils sont inaptes, collectivement, à
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