Une histoire du Canada
gérer les affaires de la nation. trudeau devrait simplement ignorer les premiers ministres et procéder à ses modifications constitutionnelles, les faire adopter par le Parlement et les transmettre à Londres sans le consentement des provinces.
il s’agit d’un risque audacieux. Cela laisse supposer que la majorité des Canadiens prêtent d’abord allégeance au Canada en tant qu’individus et que leur identité n’est pas divisée ou ne passe pas par les provinces46.
15•deuxnaTionalismes
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ainsi, trudeau défierait directement la notion voulant que la « nation »
québécoise s’exprime d’abord par le biais du gouvernement provincial à Québec mais défierait également toutes les autres revendications régionales et provinciales en matière de primauté.
C’est exactement ce que fait trudeau. il élabore des projets de modification qui sont examinés par le Parlement et d’importantes modifications sont apportées à la législation lors des audiences d’un comité afin de répondre aux préoccupations des groupes de femmes, des défenseurs des libertés civiles et des groupes minoritaires47. il convainc deux des dix premiers ministres, l’astucieux politicien Bill davis, de l’Ontario, et l’exceptionnellement intelligent richard Hartfield, du nouveau-Brunswick.
tous deux sont progressistes-conservateurs, ce qui n’est pas surprenant : il n’y a plus de gouvernement libéral dans les provinces. Les opposants les plus entêtés sont les gouvernements de terre-neuve, du Québec, du Manitoba et de l’alberta ; avec les quatre autres provinces, ils forment la « bande des Huit ». ils portent immédiatement les modifications constitutionnelles devant les trois cours d’appel provinciales. Finalement, la résolution est portée devant la Cour suprême, qui rend son jugement en septembre 1981.
La décision crée de la confusion. Les juges statuent que la coutume vient à l’appui de l’argument des provinces selon lequel la Constitution ne peut pas être modifiée sans leur consentement. Mais sur le plan juridique, trudeau est dans son droit. il peut présenter ses modifications à Londres aux fins d’adoption – s’il en a l’audace. On s’attend à ce qu’il le fasse jusqu’à ce que Bill davis fasse comprendre à trudeau qu’il est nécessaire d’arriver à un compromis, à défaut de quoi l’Ontario et le nouveau-Brunswick renonceront à appuyer la position du gouvernement fédéral, ce qui risque de compromettre irrémédiablement les chances de faire adopter les modifications par le Parlement britannique. Une conférence fédérale-provinciale est prévue à Ottawa pour novembre 1981. il est temps de voir ce que la diplomatie fédérale-provinciale peut faire.
La bande des Huit est moins solide qu’il ne paraît. Plusieurs gouvernements sont indécis, en particulier la saskatchewan, et il y a de la discorde entre rené Lévesque et les autres. Lévesque a intérêt à ce que les négociations échouent ; les autres premiers ministres, en dernière analyse, croient le contraire. il est toujours possible que trudeau ait raison et que les citoyens des différentes provinces appuieront la cause d’Ottawa plutôt que celle des provinces. On assistera sans aucun doute à une lutte opiniâtre.
trudeau mène le jeu lors de la conférence officielle, déjouant les tactiques de rené Lévesque en semant la discorde ouvertement entre le premier ministre québécois et ses collègues ; Chrétien conduit des négociations en coulisse48. avec les procureurs généraux de l’Ontario et de 426
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la saskatchewan, roy McMurtry et roy romanow, il élabore secrètement une entente qui satisfait sept membres de la bande des Huit ; rené Lévesque est le seul qui n’est pas au courant de ce qui se passe. Le jour suivant, Lévesque est le seul membre du groupe à ne pas applaudir le nouveau projet de réforme constitutionnelle, qui par ailleurs, fait l’unanimité. au Québec, beaucoup y voient encore une trahison – une « nuit des longs couteaux », comme le veut l’expression.
Le compromis constitutionnel de novembre 1981 accorde à chacun une petite part de ce qu’il désire. trudeau obtient la plus grande part –
il y aura une Charte des droits et libertés, en grande partie inspirée des principes qu’il a établis, et le pouvoir de modifier la Constitution sera transféré au Canada. La Charte permettra aux Canadiens de partout au pays
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