Une histoire du Canada
grands courants de l’histoire canadienne : la scission linguistique entre le Canada anglais et le Canada français et le fossé politique qui sépare le Canada des états-Unis. C’est là une puissante combinaison et Jean Chrétien lui rend l’hommage qui lui est dû.
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il est également possible que les opinions canadiennes-anglaises et canadiennes-françaises aient une origine commune, qui n’est d’ailleurs pas l’apanage du Canada. Comme le souligne le sondage d’opinion mondiale du Pew research Center au début de l’année 2005, « Pour dire les choses simplement, le reste du monde exprime à la fois sa crainte et sa contrariété devant la puissance inégalée que les états-Unis ont accumulée depuis la fin de la guerre froide42. » La perception des états-Unis comme une superpuissance engendre des opinions concernant les américains. Pour citer à nouveau le Pew, dans un autre sondage, « dans la plupart des pays occidentaux sondés, la majorité des répondants associe les américains à des caractéristiques positives comme ‘‘honnêteté’’, ‘‘esprit inventif’’ et ‘‘dur labeur’’. simultanément, beaucoup de gens associent aussi les américains à des traits de caractère négatifs comme ‘‘avidité’’ et ‘‘violence’’. Les Canadiens, qui sont sans doute ceux qui ont le plus de contacts avec les américains, sont d’accord avec les européens sur les points négatifs mais ils sont moins portés à percevoir les américains comme des gens honnêtes.
et le Canada est le seul pays occidental où une majorité (53 %) considère les américains comme grossiers43. »
Certains commentateurs vont plus loin. L’éminent sociologue et sondeur Michael adams soutient que les Canadiens, y compris les Canadiens anglais, s’éloignent de plus en plus des valeurs américaines pour se rapprocher des valeurs européennes. sur des sujets comme la religion, on peut certes affirmer que les sondages viennent soutenir la thèse d’adams44.
il est également vrai, comme l’a soutenu à de nombreuses reprises J.L.
Granatstein, que les Canadiens ont et ont toujours eu un petit côté anti-américain45. Poussée à son extrême, cette nuance dans l’opinion semble tenir les Canadiens pour seuls responsables des différences avec les américains et justifier le fait que, si les Canadiens ont des opinions négatives concernant les états-Unis, ils devraient les garder pour eux.
Ce genre de sentiments semble comme la marée : montante et descendante. si l’anti-américanisme représente une constante dans l’existence canadienne, on peut en dire autant de l’attrait exercé par les états-Unis ; et cet attrait est parfois réciproque. sur le plan culturel, certains américains sont plus proches des Canadiens qu’ils ne le sont d’autres américains dans leur pays à la fois vaste et extrêmement diversifié. Quand George W. Bush finit par l’emporter lors des élections présidentielles sources de discorde de 2004, une carte dessinée ne tarde pas à faire le tour des états-Unis, carte portant l’inscription « Les états-Unis du Canada » (les états du nord-est jusqu’à Washington, plus la plus grande partie du Midwest et du Pacifique) par opposition au « pays de Jésus », le sud, les états des plaines et le sud-Ouest46. Les divergences d’opinions concernant les états-Unis et le Canada et leur culture respective ne sont pas uniquement régionales mais aussi 484
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générationnelles, les plus vieilles générations – celles qui se souviennent du New Deal et de la deuxième Guerre mondiale – étant davantage portées à se sentir proches des américains. Quand Bush décide de partir en guerre en 2003 et que Chrétien refuse de le suivre, l’opposition officielle et trois premiers ministres provinciaux, ernie eves de l’Ontario, ralph Klein de l’alberta et Gordon Campbell de la Colombie-Britannique, soutiennent bruyamment Bush.
Fait intéressant, c’est aux Canadiens traditionnels (sans doute représentés par ces trois premiers ministres) que George W. Bush s’adresse au cours d’une allocution qu’il prononce à Halifax en décembre 2004. il rappelle la participation du Canada à la deuxième Guerre mondiale, convient que c’était ce qu’il fallait faire et soutient que le moment est de nouveau venu d’agir dans une cause commune. son hôte, le premier ministre libéral Paul
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