Une histoire du Canada
premier ministre incapable de prendre des décisions dans de grands dossiers, perception renforcée par l’opportunisme parfois saisissant de la tactique libérale de maintien d’une majorité à la Chambre des communes. (Un chroniqueur de quotidien anglophone donne à Martin le sobriquet de « Mr. dithers » en raison de son indécision et le nom lui reste collé à la peau.50) Une conservatrice de premier plan passe dans le camp des libéraux, où elle ne tarde pas à être nommée ministre. Peu de temps après, les libéraux l’échappent belle en raison d’une égalité de votes en Chambre et ne doivent leur salut, selon la coutume parlementaire, qu’au vote du président de la Chambre.
La chance tourne le dos à Martin en novembre 2005. ayant subi la défaite en Chambre des communes, il est plongé dans des élections en janvier 2006. il reprend la même tactique que pendant la campagne de 2004, avec moins de succès cette fois. il perd ses élections, de façon plus impressionnante sur le plan du vote populaire que sur celui du nombre total de sièges. Martin démissionne à la fois comme premier ministre et comme chef du Parti libéral. en février 2006, stephen Harper devient premier ministre à la tête d’un gouvernement minoritaire conservateur.
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il est trop tôt pour spéculer sur les perspectives ou la durée d’un gouvernement Harper. Peut-être représente-t-il la coda d’une longue époque libérale, aux deux sens du terme, dans l’histoire canadienne, d’une durée de soixante-dix années depuis 1935, ou peut-être même une siècle depuis l’époque de sir Wilfrid Laurier. La tournure prise par l’histoire canadienne a toujours été liée aux idées et aux politiques qui ont traversé les frontières politiques du Canada, et l’ascension et la chute du libéralisme et du conservatisme au cours du vingtième siècle ne font pas exception à la règle.
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À certains égards, l’idéologie qui accompagne la victoire électorale de Harper en 2006 marque un retour au Canada des années 1930, tant sur le plan de la politique intérieure que sur celui des affaires internationales, un retour, en réalité, à la dernière décennie qui a précédé le « libéralisme » sous sa forme collectiviste d’état-providence actuelle. dans les années 1930, le gouvernement canadien se caractérisait par des impôts et des risques peu élevés, le recul devant l’ingérence dans les priorités des provinces, ce qui n’est pas tellement différent de ce que Harper souhaiterait voir. tout cela a changé en 1939, quand les alliances extérieures du Canada lui ont imposé une participation active dans des conflits outre-mer. il en a, bien sûr, résulté l’élargissement de l’état canadien et la diminution des pouvoirs provinciaux afin de soutenir l’effort de guerre du Canada.
il existe d’autres raisons de se souvenir des années 1930. À l’époque, les relations du Canada avec son principal allié, la Grande-Bretagne, étaient incommodes et contradictoires, telles qu’elles se traduisaient à la fois dans la politique intérieure et dans la politique étrangère. On avait de bonnes raisons de manquer de confiance envers l’orientation donnée à la politique britannique et de grandes préoccupations à la perspective de voir le Canada anglais et le Canada français choisir des voies divergentes. C’est ce qui s’était également produit après 1911, quand le gouvernement conservateur de sir robert Borden s’était fait élire en adoptant des programmes électoraux différents au Québec francophone et au Canada anglais, avec des résultats négatifs durables pour le Parti conservateur. au cours des années qui suivent 2001, il est possible que se produise une autre divergence en matière de politique étrangère et selon des axes linguistiques.
À l’encontre de la Grande-Bretagne, qui s’est désintéressée du Canada au moment de la disparition de son empire pendant les années 1960, on ne peut guère penser que les états-Unis sortiraient de l’horizon canadien. Pour des raisons géographiques, économiques et culturelles, c’est inimaginable. avec les relations entre anglais et Français et avec les autochtones, la présence des états-Unis, d’une autre société anglophone plus vaste et plus riche voisine du Canada est une des grandes constantes de l’histoire canadienne. deux gouvernements libéraux, ceux de Chrétien et
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