Aux armes, citoyens !
roi, mais se
dresse contre les « accapareurs ».
Le 23 février 1793, la foule amassée à la Halle dès l’aube
se précipite sur les voitures chargées de pain et les pillent. Le 24, ce sont
les boulangeries qui sont prises d’assaut, et le lendemain les épiceries sont
dévalisées à leur tour.
Le 24 encore, les blanchisseuses ont pillé sur les bords de
la Seine les bateaux chargés de savon qui y étaient amarrés.
Et Marat, dans son Journal de la République, écrit le
25 février :
« Dans tout pays où les droits du peuple ne sont pas de
vains titres consignés fastueusement dans une simple déclaration, le pillage de
quelques magasins à la porte desquels on pendrait les accapareurs mettrait fin
aux malversations. »
Ainsi, les divisions haineuses s’aggravent entre d’un côté
les Girondins, qui veulent protéger les propriétés, de l’autre les Montagnards,
qui soupçonnent et craignent que des « conspirateurs » ne créent des
troubles pour susciter l’intervention de l’armée, le général Dumouriez venant
rétablir l’ordre à Paris, et peut-être placer sur le trône un Orléans, Philippe
Égalité.
C’est ce risque qui incite Robespierre à condamner les
pillards qui envahissent les épiceries :
« Le peuple doit se lever non pour recueillir du sucre
mais pour terrasser les brigands, dit-il… De chétives marchandises
doivent-elles l’occuper ?… Nos adversaires veulent effrayer tout ce qui a
quelque propriété… Le peuple de Paris sait foudroyer les tyrans mais il ne
visite point les épiciers… »
Mais de l’autre côté il y a les Enragés, qui
envahissent la Convention, exigent le châtiment des « ennemis », des « conspirateurs »,
des « accapareurs » qui affament le peuple.
Il y a l’abbé Roux, l’Enragé, qui déclare :
« Je pense que les épiciers n’ont fait que restituer au
peuple ce qu’ils lui faisaient payer beaucoup trop cher depuis longtemps. »
Et qui, après les heures de pillage, ajoute :
« La journée eût été plus belle encore s’il y avait eu
quelques têtes coupées. »
La situation, dans ces journées de la fin février 1793 et
des dix premiers jours du mois de mars, est donc grave.
À l’intérieur du pays, les pillages, la crainte du complot.
Sur les frontières, les assauts des Autrichiens, les succès
de la première coalition contre la France.
La République avait annexé Nice, Monaco, et Danton dans une
envolée avait réclamé la réunion de la Belgique, soulevant l’enthousiasme de la
Convention :
« Je dis que c’est en vain qu’on veut faire craindre de
donner trop d’étendue à la République. Ses limites sont marquées par la nature.
Nous les atteindrons toutes, des autres coins de l’horizon, du côté du Rhin, du
côté de l’Océan, du côté des Alpes. Là doivent finir les bornes de notre République,
et nulle puissance humaine ne pourra nous empêcher de les atteindre. »
Et, brandissant les poings, Danton a ajouté :
« On vous a menacés des rois, vous avez déclaré la
guerre aux rois, vous leur avez jeté le gant et ce gant est la tête du tyran. »
Mais les réformes de l’armée, l’amalgame entre « Blancs »
– bataillons de l’armée ci-devant royale – et « Bleus » -bataillons
de volontaires –, la création de demi-brigades de trois mille trois cents
hommes, mobiles, ne suffisent pas à forger l’instrument capable de s’opposer
aux troupes de la coalition, dans une guerre longue, dévoreuse d’hommes.
Et d’autant plus si l’on veut que la République atteigne, comme
l’a déclaré Danton, les « frontières naturelles ».
Alors il faut décréter, le 24 février 1793, une levée de
trois cent mille hommes, et la Convention établit le nombre des volontaires
que chaque département doit fournir selon l’importance de sa population et du
nombre d’hommes « réquisitionnés » lors des précédentes levées.
Il faut faire vite, parce que, sur les frontières, l’armée
de Dumouriez recule. Et l’on commence à soupçonner ce général, qu’on a vu à
Paris, que l’on sait proche des Girondins, de Manon Roland, et que Danton
paraît soutenir.
La peur du coup de force, du complot, soulève les
sans-culottes, les Enragés, qui encerclent la Convention, envahissent les
tribunes.
Et c’est dans ce climat que, dans la nuit du 10 au 11 mars
1793, les députés votent la création d’un tribunal criminel
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