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Belle Catherine

Belle Catherine

Titel: Belle Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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moleste personne !
    — Oui, seigneur ! grogna le Gascon de mauvaise grâce. Pied à terre, vous autres !
    Tandis que Sara ouvrait le coffre de cuir qui contenait des remèdes et des pansements, Catherine avait pris sur ses genoux la tête du pèlerin évanoui. C'était un vieillard si maigre que sa peau parcheminée semblait collée à son squelette.
    Des broussailles grises de sa longue barbe et de ses cheveux jaillissaient un grand nez courbe et les globes proéminents de ses yeux sous les paupières fripées. En vérité, son équipement n'inspirait guère la convoitise. Le long manteau qu'il portait sur un pourpoint et des chausses rapiécées était effiloché par les ronces du chemin, roussi par des soleils innombrables, verdi par les pluies. Des paquets de chiffons où des taches rousses disaient les plaies enveloppaient ses pieds. Un vieux chapeau de feutre dont le bord retroussé était timbré d'une coquille avait roulé un peu plus loin, dans la boue épaisse du carrefour.
    Avec émotion, tandis que Sara étanchait le sang qui coulait du front du vieillard, Catherine passait un doigt tremblant sur les coquilles cousues sur la vieille houppelande. L'homme lui rappelait son vieil ami Barnabé. Ce manteau, si semblable à celui dont le Coquillard s'habillait, aussi effiloché, aussi minable, portait cependant sur lui le poids de pénitence et de renoncements qui n'avaient jamais été le fait de Barnabé.
    — Il vient de Compostelle, dit-elle d'une voix enrouée en passant d'une coquille à une petite effigie de saint Jacques, en étain, cousue au revers du pèlerin.
    — Il vient de plus loin encore, ma mie, fit la voix grave d'Arnaud. Regarde...
    Il désignait, pendues à une ficelle au cou du vieillard, une petite palme de plomb et une croix. Et Catherine, étonnée, le vit s'agenouiller dans la boue et baiser respectueusement les loques sanieuses des pieds de l'homme.
    — Que fais-tu ?
    — Je lui rends l'hommage dû à ses pareils. Il vient de Jérusalem, Catherine. C'est un pèlerin de Terre Sainte, un Grand Pèlerin, et les pieds que je baise ont foulé le sol qui porta le Seigneur.
    Saisies, Catherine et Sara demeurèrent immobiles. Le vieillard semblait, tout à coup, avoir grandi jusqu'à des dimensions surnaturelles et un profond sentiment de vénération s'emparait d'elles. Les pèlerins de Terre Sainte étaient rares si les grands sanctuaires chrétiens drainaient toujours des foules ferventes. Il fallait être un bien grand saint... ou avoir commis un bien grand crime pour s'en aller si loin, à travers tant de dangers, demander grâce et pardon !
    Mais le pèlerin revenait à lui. Ses paupières se soulevaient, découvrant dans le jour déclinant des prunelles bleues comme un ciel d'été. Il essaya de se relever, y parvint avec l'aide du bras de Sara et regarda le couple agenouillé à ses pieds avec beaucoup de gentillesse.

    — Loué soit Jésus-Christ ! dit-il, et grâces vous soient rendues à vous qui m'avez porté votre aide. Sans vous, je crois bien que...
    Il s'interrompit. Son regard était tombé sur les cadavres des trois bandits et des larmes y montèrent.
    — Fallait-il qu'ils mourussent à cause de moi ?... et en état de péché ?
    — C'étaient eux ou vous, dit Arnaud doucement. Ceux qui attaquent les errants de Dieu ne méritent ni pitié ni merci.
    — Ils avaient faim, sans doute, dit le pèlerin doucement. Je prierai pour eux quand je serai au terme de mon voyage.
    Le temps du repos n'est donc pas encore venu pour vous ? Pourtant, vous venez de bien loin, il me semble.
    Les yeux clairs du pèlerin se firent si lumineux que Catherine eut l'impression que l'hiver s'effaçait et qu'un rayon de soleil l'enveloppait.
    — Oui... de bien loin, dit-il. J'ai vu le tombeau du Maître et, toute la nuit, j'ai prié sous les oliviers de l'Agonie. J'avais voulu cela parce que moi, indigne et misérable, j'avais reçu une insigne faveur. J'étais un simple maçon qui, de tout son cœur, travaillait aux cathédrales quand Dieu permit que je perde la vue. Le désespoir m'entraîna alors bien loin, plus loin encore que vous n'imaginez, car je blasphémai et doutai de Dieu. De honte, je voulus par mortification m'en aller implorer mon pardon au tombeau de saint Jacques qui a reçu pouvoir de guérir les âmes amères. Je rejoignis, au Puy, une caravane et je fis le long chemin qui mène en Galice. Et là... pouvez-vous concevoir la joie qui fut la mienne ?... là, soudainement, la vue

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