Belle Catherine
cachait une force nerveuse réelle et, relevant ses jambes, elle parvint à donner un coup de genou si violent dans la poitrine de Catherine que celle-ci, le souffle coupé, dut lâcher prise. D'un bond souple, Marie se releva, bondit à son tour sur elle...
Arnaud, en se redressant, avait d'abord observé avec stupéfaction les deux femmes engagées dans une lutte farouche. Il se ressaisit rapidement, attrapa une serviette de lin jetée sur la table, la noua autour de ses reins. Puis, empoignant d'abord Marie, qui avait pris le dessus, il la rejeta derrière lui sans la lâcher, releva assez rudement Catherine, qu'il remit sur pied.
La haine aveuglait tellement les deux furies qu'il dut employer toute sa force pour les maintenir éloignées l'une de l'autre, de toute la longueur de ses bras.
— En voilà assez ! hurla-t-il. Qu'est-ce qui vous prend ? Et d'abord, Marie, que fais-tu ici ?
— Demande-le-lui ! écuma Catherine. Cette traînée a acheté le droit de te frotter d'huile à la baigneuse. Elle s'était cachée ici pendant que tu te baignais...
L'idée parut si baroque à Montsalvy qu'il se mit à rire. C'était la première fois depuis deux semaines que Catherine l'entendait rire et cela accusait l'amaigrissement de son visage. Le rire d'ailleurs ne montait pas aux yeux qui demeuraient tristes et ternes. Malgré tout, cela fit à Catherine l'effet d'une injure.
— Tu trouves cela drôle ? Riras-tu encore quand tu sauras qu'aujourd'hui elle a tenté de nous tuer, moi d'abord, puis Michel... Sans Gauthier, j'étais morte. Sans Sara, tu n'avais plus de fils.
Arnaud blêmit, mais, sans lui laisser le temps de répondre, Marie vociférait.
— Si tu doutes encore que ta femme soit folle, voilà qui doit t'éclairer ! Moi, j'ai tenté de la tuer ? Je voudrais savoir comment ?
— Soyez tranquille, je vais le dire...
S'efforçant de retrouver un peu de calme, Catherine
fit le récit de ce qui s'était passé depuis que le soldat était venu la chercher dans sa chambre, sans rien oublier. Quand elle mentionna les aveux d'Escornebœuf, Marie haussa les épaules et ricana.
— Cet homme a menti. Il aurait dit n'importe quoi pour sauver sa vie. Quant à l'affaire du donjon, vous feriez mieux de dire la vérité.
— Quelle vérité ? cria Catherine.
— Mais la seule, rétorqua Marie avec un sourire plein de fiel : que vous aviez rendez-vous dans le donjon avec ce lourdaud. Tout le monde sait qu'il est votre amant !
Arnaud lâcha Catherine pour agripper Marie à deux mains. Son visage était devenu noir de fureur.
— Ne répète pas ça, Marie, grinça-t-il, si tu ne veux pas que je t'étrangle !
— Étrangle-moi, qu'est-ce que ça changera ! Je sais bien que la vérité n'a rien d'agréable.
— Laisse-la-moi, vociféra Catherine hors d'elle. Je jure de lui faire rentrer ses mensonges dans la gorge, de l'étouffer avec ! Je vais...
— Assez ! coupa Arnaud. J'entends qu'on m'obéisse ! Je saurai la vérité sur cette affaire. Il faudra bien que ce misérable Escornebœuf avoue la vérité, fût-ce sous la torture.
— Si tu veux la vérité, jeta Catherine, mets Escornebœuf à la question, mais n'oublie pas sa complice. Sur le chevalet, elle avouera !
— Et vous, glapit Marie. Si l'on vous y mettait... rien que pour savoir ce qui se passe dans votre chambre depuis que votre époux délaisse votre lit ?
La voix hystérique de la jeune fille avait monté, monté jusqu'à un éclat de rire tellement strident qu'il en était insoutenable. À toute volée, Arnaud la gifla par deux fois, si violemment qu'elle alla rouler contre la cuve de pierre, dans une flaque d'eau.
— Va-t'en ! gronda-t-il, les poings serrés. Va-t'en si tu ne veux pas que je te tue ! Mais l'affaire n'est pas terminée, ne l'oublie pas !
Elle se releva péniblement, couverte de boue grasse, et tendit vers lui une main qui cherchait encore à s'agripper. Il la prit par un bras, lui fit gravir les trois marches et la jeta dehors sans plus de cérémonie. La lourde porte retomba en grondant derrière elle... Lentement, Arnaud redescendit vers Catherine qui s'était assise sur le rebord de pierre de la cuve pour rajuster sa robe dérangée par la bataille. Le traitement qu'Arnaud avait fait subir à Marie l'avait rassérénée et elle leva vers son mari un lumineux sourire. Elle avait pris un linge et l'avait trempé dans un seau plein d'eau froide pour tamponner une estafilade saignante que les ongles de son ennemie avaient
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