Histoire De France 1724-1759 Volume 18
marcher droit. Pour la cour, il est bon le plus souvent, et on le trouve exact en ce qu'on peut vérifier.
Duclos, fort inutile pour les temps antérieurs, est tout à coup, en 1756, très-important, très-grave. Dans sa position singulière, à part des philosophes, familier chez la Pompadour, et surtout ami de Bernis,il a vu de très-près à ce moment. Il y donne deux faits capitaux: 1 o La Pompadour a seulement influé jusqu'en 1756; mais alors elle règne (par la grâce de Marie-Thérèse); 2 o l'ordre de Rosbach partit de Vienne, de notre ambassadeur Choiseul, le valet de l'Autriche.
La Hausset est fort curieuse, mais elle fait un roi bonasse, et une douceâtre Pompadour. Elle ignore que sa maîtresse a rempli les prisons d'État. Elle ignore (chose plus étonnante) que par trois fois (1747, 1752, 1755) la Pompadour fut très-près de tomber.—Elle sait des choses importantes: le petit Parc-aux-Cerfs intérieur près de la chapelle, l'inceste simulé par les seigneurs pour plaire au roi, sa vive jalousie à l'égard de ses filles, sa haine pour Bernis quand il le sut amant de sa fille l'Infante, etc., etc.
Elle réduit ce qu'on avait dit sur la haute faveur de Quesnay et de son école auprès du roi. Il avait plu sans doute par la doctrine économiste qui fait le roi co-propriétaire en tout bien du royaume. Mais il resta toujours isolé, à distance. Même en voiture, et l'emmenant comme médecin, la Pompadour ne daignait lui parler.
L'excellent journal de Marais, qui nous a révélé la honteuse enfance du roi, le fangeux Versailles de cetemps, malheureusement nous quitte de bonne heure.—Et il s'en faut que Barbier le remplace. Très-prolixe pour le Parlement et riche pour l'histoire de Paris, Barbier ignore profondément la Cour, le lieu étroit où tout se décidait. En 1738, à peine, il commence à savoir les faits de 1732 (l'avénement de la Mailly). Il ne sait pas un mot du règne de madame de Vintimille, un des grands moments de l'histoire.
Même son Parlement, il le sait assez mal. Il n'en marque pas bien la dualité intérieure (jansénistes et politiques), les tendances opposées qui ôtaient toute force à ce corps, guerroyant à la fois contre la Bulle et l'Encyclopédie. Utile, cependant, très-utile, ce journal ne me quitte pas; il me donne (en regard de de Luynes et de d'Argenson) la chronologie de Paris.
Le témoin capital du siècle est certainement d'Argenson. Il n'est pas sans talent (voir le sinistre bal de décembre 51), et il a un grand cœur, un violent amour du peuple et de la France. Je comprends qu'aujourd'hui tous les petits esprits tombent sur lui, relèvent soigneusement ses contradictions.
Oui, oui, c'était un simple. Cela n'empêche pas qu'il ne fût un voyant, ne devinât cent choses qui depuis se sont faites. On dirait qu'il est membre de l'Assembléeconstituante. Il voit toute la France nouvelle, l'Italie libre, la naissance des États-Unis.
Sans accuser, il est terrible. Il ressort partout de son livre que Versailles ne cesse pas un seul jour de trahir la France.
Du reste innocemment , en grande sécurité de conscience. Quand Louis XV reçut l'égratignure de Damiens, il dit: «Eh! pourquoi me tuer? Je ne fais de mal à personne.»
Il aurait pu être encore pire, avec l'éducation qu'il eut, avec les petits corrupteurs auxquels l'abandonna Fleury. Il aurait pu être un Néron. Au fond, ce fut un gentilhomme, timide, hautain et sec, dissolu, aimant la famille, mais du plus bas amour, amour de chat; très-hostile à son fils, beaucoup trop tendre pour ses filles. Si on qualifie cet amour moins sévèrement que les contemporains, il restera toujours incontestable que Mesdames eurent sur lui une énorme influence. L'une sauva les biens du Clergé; il n'y eut de ruiné que la France. L'autre fut la cause directe des guerres principales de ce règne.
Croyant solidement que le royaume était un simple patrimoine, ni le roi, ni ses filles n'eurent le moindre scrupule. Pour l'une, on tue 200,000 hommes, pour lui donner le Milanais (1741-1748). On ne réussit pas.Alors, pour elle encore, pour lui donner les Pays-Bas, commence la grande guerre de Sept Ans, qui coûte un million d'hommes (si l'on compte tous ceux qui moururent de misère).
M. de Luynes, dans son détail immense des choses publiques, officielles, à son insu, appuie merveilleusement d'Argenson. Il nous donne le temps et le lieu , les petits voyages, le changement des appartements. Avec lui et Blondel, et
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