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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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l'Infante, beaucoup trop lié avec elle, et lancé surtout par elle dans la criminelle affaire qui compromettait la France sur le vain espoir que l'Autriche donnerait à cette folle le trône des Pays-Bas.
    Il se vit avec terreur l'automate dont jouait l'Autriche. Cela fut très-ridicule pour la Convention de Hanovre. Bernis d'abord applaudit. Mais, l'Autriche murmurant, Bernis blâma. Puis, sous le coup de Rosbach, la marionnette vira, approuva. Il n'était plus temps.
    Il était pourtant un point où cessait son obéissance, l'impuissance de payer le subside promis à Marie-Thérèse. Il exposa sa misère à l'impératrice elle-même, lui fit craindre que s'il y avait ici une explosion, elle ne perdît tout à la fois. Elle-même était fort abattue. En 1758, Frédéric vainqueur, vaincu, resta cependant si fort, que l'Autrichien, plus malade, n'en pouvant plus, recula et se cacha en Autriche.
    Bernis, malgré la Pompadour, parla au Conseil pour la paix. Il parla admirablement, avec la naïve éloquence de la peur, et cela gagna. Le Roi, encore tout autrichien, partagea l'effroi de Bernis. Avec le Dauphin, le Conseil, il passe au parti de la paix, il autorise à traiter.
    Nul homme n'aurait osé, dans une telle extrémité, prendre la responsabilité énorme de s'opposer à la paix. Il y fallait une audace d'ignorance que n'eût eue pas un homme. Ce fut un crime de femme.
    Elles osent moins dans la vie commune, vont moins devant les tribunaux. Mais, dans la haute vie d'intrigue, rien ne les fait reculer. Avec un sens, souvent fin et délicat des personnes, elles ont une ignorance terrible des choses, qui fait leur intrépidité là où tous les hommes ont peur.
    Ce fut une affaire de théâtre. La Pompadour, qui ne fut jamais qu'une actrice, à quarante ans ne jouait plus les bergerettes; elle visait aux grands rôles. Faible et molle (au fond), poitrinaire, usée, vide, un vrai néant, elle avait son âme, sa force en son petit conseil secret, trois Lorraines qu'on peut appeler la vraie cabale d'Autriche. Avec des vues personnelles, très-diverses, elles agissaient à merveille dans le même sens près de la créature régnante. Comme une mauvaise indienne, sans revers, qui n'a rien dessous, salie, usée et fripée, qu'on roidit, qu'on met à l'empois, on lui donnait de l'attitude, une certaine consistance. Elle en reprenait l'apparence dans ses souvenirs dramatiques. Elle paradait devant la glace, se haranguait. Fausse en tout, elle se trompait elle-même. Elle se refaisait Cornélie, déclamait en long, en large, sur les échasses de Corneille. Les trois spectatrices admiraient, la trouvaient belle de hauteur, d'indomptable obstination.
    Lorsque Bernis arrivait avec ses yeux égarés, lui montrait le gouffre béant, lui disait que le danger, la haine et la fureur publique, les regardaient eux deux seuls, qu'on n'accusait qu'elle et lui, elle était sourde et muette, ouvrait de grands yeux, nobles, tristes, le laissait dire, s'agiter. «Je suis le ministre des limbes,»disait-il, du monde des rêves, incertain, vague et flottant. Elle, elle ne flottait point. Poussée par ses trois Lorraines, elle travaillait en dessous à se délivrer de Bernis.
    Il ne demandait pas mieux. Il brûlait de se sauver, pourvu qu'il fût cardinal, abrité par le chapeau. Il avait un double péril. Sa dangereuse princesse, l'Infante, l'avait fourré dans les fils obscurs d'une intrigue nouvelle qui pouvait mettre contre lui et le Roi et le Dauphin, de plus trois rois étrangers. Il croyait voir déjà la foudre, croyait que, sans la robe rouge, il était en grand danger.
    L'Infante qui rêvait tous les trônes, et Milan, et les Pays-Bas, et la Pologne, et les Siciles, se jetait à ce moment dans un nouvel imbroglio. En août 1758, la mort de la reine d'Espagne, et la mort prochaine du roi Ferdinand, lui firent faire un plan hardi. Ferdinand, fils d'un premier lit, aimait peu son frère D. Carlos, roi de Naples, qui était pourtant son héritier naturel. Ne pouvait-on le décider à adopter D. Philippe, duc de Parme, mari de l'Infante? Rome et les Jésuites auraient applaudi. Les Jésuites, maîtres de l'Espagne, avaient en horreur D. Carlos, frémissaient de le voir venir. Ce prince, livré aux avocats, aux ardents légistes de Naples, faisait une guerre terrible aux priviléges du Saint-Siége, aux Jésuites, à l'Inquisition. Tout en s'habillant en chanoine et chantant l'office au lutrin, il allait rapidement dans la voie

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