Il suffit d'un Amour Tome 2
si cette belle dame ne tire pas de toi ce qu'elle espère en tirer, elle sera pour toi une ennemie sérieuse.
— Et que crois-tu qu'elle veuille tirer de moi ?
— Comment veux-tu que je le sache ? Nous arrivons seulement. Mais je tâcherai d'en apprendre le plus que je pourrai sur les La Trémoille.
Tout en commençant à se dévêtir pour se mettre au lit, Catherine se tourna vers sa fidèle compagne.
— Il y a quelque chose de bien plus important à apprendre pour moi, fit-elle. Arrange-toi pour savoir où loge le capitaine de Montsalvy quand il est à Loches.
Sara n'hésita même pas une seconde.
— Quand il n'est pas de service auprès du roi, il loge en ville, auprès de la porte des Cordeliers, dans une maison qui appartient à un riche tanneur et qui porte une image de saint Crépin au-dessus de la porte.
Puis, comme Catherine, les yeux arrondis de stupeur, la considérait avec un respect nouveau, elle ajouta en riant :
— C'est la première chose dont je me suis inquiétée auprès de nos valets parce que je savais aussi que ce serait la première chose que tu voudrais connaître.
Un peu de rose aux pommettes, Catherine renouait déjà, hâtivement, les lacets de sa robe. Sara s'empara avec autorité desdits lacets et les ôta.
Tu n'as rien à y faire ce soir ! Il ne rentrera que demain avec le roi. Tu ne vas pas te mettre à courir les rues, dès cette nuit, pour le seul plaisir de contempler une porte close, même ornée de la figure de saint Crépin. Va donc te coucher. Je vais te porter un souper léger et ensuite tu dormiras.
Demain, il faut être belle et fraîche.
Joignant le geste à la parole, Sara dévêtit sa maîtresse en un tournemain, l'affubla d'une longue chemise plissée et la fourra au lit sans plus de cérémonie que si elle était encore une gamine de quinze ans. Après quoi, satisfaite, elle se planta devant elle les poings sur les hanches, goguenarde.
— Va falloir perdre ces habitudes de bohémienne que tu as prises depuis quelque temps, ma belle. Nous sommes maintenant redevenue une dame, une vraie. Et il faudra aussi compter avec Madame la Reine qui ne doit pas aimer beaucoup que ses dames d'honneur courent le guilledou après la nuit tombée.
La robe que la dame de La Trémoille fit porter, dès le matin, chez Catherine était réellement très belle et la jeune femme, à toucher le magnifique tissu, ne put retenir un frisson sensuel. Il y avait bien longtemps que ses doigts n'avaient palpé un véritable , brocart milanais, encore que la couleur ne l'enthousiasmât pas tellement. C'était un somptueux assemblage d'oiseaux fantastiques, des aigles surtout, d'azur et de pourpre sur un fond d'or tissé. Catherine, pour son goût, en trouvait les nuances un peu trop vives mais l'ensemble était gai et fastueux.
— Comment me trouves-tu ? demanda-t-elle à Sara une fois vêtue. Est-ce que je n'ai pas un peu l'air d'une enseigne de teinturier ?
Sourcils froncés, bouche serrée, Sara hocha la tête.
— À toi, tout va. C'est un peu vif mais joli tout de même.
Malgré cet avis favorable, Catherine ajouta à sa toilette une gorgerette de fine mousseline plissée dont le décolleté de la robe, réellement excessif, menaçait à tout moment de libérer complètement ses seins et une voix intérieure soufflait à Catherine que la reine Yolande n'apprécierait peut-être pas un aussi spectaculaire étalage de chair. Le son lointain d'une trompe l'arracha à la contemplation de son miroir. Elle se hâta d'enfoncer sur sa tête le hennin assorti à la robe, piqua les épingles un peu au hasard et se rua vers la porte.
— J'entends le cortège ! cria-t-elle à Sara. Il faut que j'aille au château.
En effet, le son se rapprochait, annonçant le roi, Jehanne et leur nombreuse escorte. Catherine, un peu hors d'haleine, rejoignit le cercle des dames de la reine juste comme les trompettes d'avant-garde franchissaient la porte Royale. Elle alla se placer auprès de Mme de Gaucourt. Consciente de l'effet qu'elle produisait, elle nota le sourire un peu amusé de la reine, les chuchotements des autres dames et le sourire éclatant de la dame de La Trémoille, toute vêtue de satin fauve et blanc. La longue habitude qu'elle avait des cours et de leurs curiosités lui fut d'un grand secours pour faire bonne contenance. Puis, comme la brillante cavalcade mettait pied à terre sur la terrasse du logis royal, elle oublia tout. Elle vit le roi et Jehanne qui chevauchaient côte
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