Le méridien de Paris - Une randonnée à travers l'histoire
de la France.
moment des préparatifs pour la célébration
Sous le signe de la liberté, de l’égalité et de du nouveau millénaire de l’an 2000, Paul
la fraternité.
Chemetov prit contact avec le Comité
d’organisation afin de leur soumettre une
Un succès amer
idée brillante. Aussi fut-elle accueillie
Le 14 juillet 2000, un pique-nique géant fut
avec enthousiasme. Il proposa de baliser
organisé le long de cette ligne verte, à plus l’ancien méridien zéro de Dunkerque
de 330 endroits différents. Malgré une
jusqu’à la frontière espagnole. Pour le trans-météo médiocre, des dizaines de milliers
former en un monument reconnaissable.
de personnes y participèrent. Les médias
Pour renforcer l’unité nationale. En l’honneur n’en revenaient pas. L’idée de Chemetov
de cette chose vague qui porte le beau nom
était acclamée de toutes parts. Partout en
d’identité. L’identité française dans ce cas, France, y compris donc sur le parcours
évidemment. Le balisage se ferait non pas
Arago-Dibbets, on ne planta pas seulement
avec des médaillons, mais par des arbres
des arbres, mais on érigea aussi de petites
bornes d’un mètre de haut portant l’inscription
« La Méridienne verte 2000 ». Le méridien
oublié était caressé comme une découverte
nouvelle, comme un indicateur de la vraie
France profonde mythique.
Le journal Le Monde longea la ligne, de village en village, pour une longue série de
reportages de fond. L’idée fut reprise par des journaux étrangers. Un historien américain,
Ken Alder, parcourut même la Méridienne à
vélo et raconta ses expériences dans un
livre. Le long de la ligne verte, on goûtait à l’âme de la France.
Le dégoût de Jan Dibbets est facile à
comprendre. Non seulement Chemetov lui
avait volé son idée, mais surtout l’architecte n’avait pas eu l’élégance ne serait-ce que de citer le nom de l’artiste néerlandais. Ajoutez à cela le fait que le président du Comité pour la célébration du millénaire, Jean-Jacques
Une borne de la Méridienne verte, rue de Rivoli.
Aillagon, alors ministre de la Culture, avait 8
L e M é r i d i e n d e P a r i s
été étroitement impliqué dans la réalisation
lettre adressée à Dibbets, Aillagon se dit navré du monument pour Arago de Dibbets en tant
et regrettait toute cette histoire. Toutefois, que directeur des Affaires culturelles de la
Dibbets ne devait surtout pas considérer cette Ville de Paris.
réalisation comme du plagiat, mais comme
Rudi Fuchs, directeur du Stedelijk Museum
une idée généreuse pour renforcer l’unité
d’Amsterdam et ami de Jan Dibbets, rédigea
nationale. Chemetov en personne prit la
un petit texte pour alerter certains de ses
plume et fit savoir au journal Libération qu’il collègues français. « Ces jours prochains,
s’agissait de parler de territoire, de l’unité de la écrivit-il début juillet 2000, une œuvre
nation et des citoyens. Ces derniers ayant été remarquable d’imagination géographique
volontaires pour planter les arbres, le projet doit être inaugurée en France : la Méridienne n’appartient de ce fait plus à personne. Il est verte. Dans sa conception, ce projet est
libre de droits, inaccessible aux collection-
fortement réminiscent du marquage à la fois
neurs, absent des galeries prestigieuses.
discret et monumental du passage du méridien
On ne peut spéculer dessus. Il ne s’agit
zéro à travers Paris, conçu par l’artiste
donc pas ici de l’œuvre d’un seul homme,
néerlandais Jan Dibbets – à la demande de
mais d’un projet commun, réalisé en toute
la Délégation des arts plastiques – et réalisé fraternité, arrosé par le vin du pique-nique
en 1994 en hommage à François Arago.
et la pluie qui tombe du ciel.
Cette œuvre d’art s’intègre parfaitement
Ce fut de cette manière assez suggestive que
dans l’œuvre de Dibbets, qui s’intéresse
l’on se débarrassa de Dibbets. Et voilà tout.
depuis la fin des années soixante aux lignes
La France adora ce pique-nique champêtre et
géographiques imaginaires. Bien sûr, les
n’en a retenu qu’une chose : ce méridien est
méridiens n’appartiennent à personne et le
français, il appartient à tous les Français. Vive méridien d’Arago de Dibbets est une œuvre
l’égalité, vive la République, et le reste on d’art publique dont tout un chacun peut
s’en
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