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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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de
pâté, par exemple, avec deux bouteilles de vin de France.
    – Je vais vous servir moi-même, seigneur, dit Juana.
    – Honneur auquel je suis très sensible, ma belle
enfant ! Pendant que vous y êtes, voyez donc, s’ils ne dorment
pas, à rassurer sur mon compte MM. Cervantès et El
Torero.…
    – Tout de suite, seigneur !
    Vive et légère et heureuse, Juana s’élança dans l’escalier pour
informer les amis du seigneur français de son retour inespéré,
après avoir fait signe à une servante de dresser le couvert.
    Lorsque Juana eut disparu, Pardaillan se tourna vers le Chico
et, voyant dans ses yeux toujours la même interrogation, il se mit
à rire franchement, de son bon rire clair et sonore. Et comme le
nain le regardait d’un air de douloureux reproche, il lui
dit :
    – Tu ne comprends pas, hein ? C’est que tu ne connais
pas les femmes !
    – Que lui ai-je fait ? murmura le nain de plus en plus
interloqué.
    Pardaillan haussa les épaules et :
    – Tu lui as fait que tu m’as sauvé, dit-il.
    – Mais c’est elle qui m’en a prié !
    – Précisément !
    Et comme le nain ouvrait des yeux énormes, il se mit à rire de
tout son cœur.
    – Ne cherche pas à comprendre, dit-il. Sache seulement
qu’elle t’aime.
    – Oh ! fit le Chico incrédule, elle ne m’a pas dit un
mot. Elle m’a foudroyé du regard.
    – C’est précisément à cause de cela que je dis qu’elle
t’aime.
    Le nain secoua douloureusement la tête. Pardaillan en eut
pitié.
    – Écoute, dit-il, et comprends, si tu peux. Juana est
contente de me voir vivant…
    – Vous voyez bien…
    – Mais elle est furieuse après toi.
    – Pourquoi ?… Je n’ai fait que lui obéir.
    – Justement !… Juana aurait bien voulu que je ne fusse
pas tué. Elle n’aurait pas voulu que ce fût toi qui, précisément,
me sauvasses.
    – Parce que ?
    – Parce que je suis ton rival. La femme qui aime n’admet
pas qu’on ne soit pas jaloux d’elle. Si tu avais bien aimé Juana,
tu eusses été jaloux d’elle. Jaloux, tu ne m’eusses pas
sauvé ! Voilà ce qu’elle se dit. Comprends-tu ?
    – Mais si je ne vous avais pas sauvé, elle m’eût tourné le
dos. Elle m’eût traité d’assassin.
    – Parfaitement !
    – Alors ?
    – Alors il vaut mieux que les choses soient comme elles
sont. Ne t’inquiète pas. Juana t’aime… ou t’aimera, morbleu !
As-tu confiance en moi ? Oui ou non ?
    – Oui, tiens.
    – Alors, laisse-moi faire et ne prends pas des airs
d’amoureux transi. Tes affaires vont bien, je t’en réponds.
    Ces paroles ne rassurèrent qu’à demi El Chico. Il avait
confiance, certes, et puisque le seigneur Pardaillan disait que ses
affaires allaient bien, c’est que cela devait être. Mais un seul
petit sourire de Juana l’eût rassuré plus que toutes les assurances
de l’ami. Néanmoins, pour ne pas désobliger Pardaillan, il
s’efforça de refouler son chagrin et de montrer un visage sinon
souriant, du moins un peu moins morose.
    À ce moment, Juana redescendait et annonçait :
    – Ces seigneurs s’habillent. Dans un instant ils
rejoindront Votre Seigneurie. En attendant, votre couvert est mis,
et si vous voulez prendre place, goûtez cet excellent pâté en
attendant l’omelette qui saute.
    Pardaillan s’approcha de la table et feignit un grand
courroux.
    – Comment, un couvert seulement ? fit-il. Mais,
malheureuse, ne savez-vous pas que je traite un brave ! Je dis
bien : un brave. Et je pense m’y connaître.
    Et comme Juana cherchait machinalement quel pouvait être celui
qui avait l’honneur d’être qualifié de brave par le seigneur
français, le brave des braves :
    – Vite ! ajouta Pardaillan, un second couvert pour ce
brave, qui est aussi un ami que j’aime.
    À dire vrai, si Juana était surprise et intriguée, le Chico ne
l’était pas moins. Comme elle, il se demandait qui pouvait être cet
ami dont parlait Pardaillan.
    Quoi qu’il en soit, Juana se hâta de réparer le mal, et
curieuse, comme toute fille d’Ève, elle attendit. Elle n’attendit
pas longtemps, du reste.
    Pardaillan, une lueur de malice dans l’œil, s’approcha de la
table et, désignant l’escabeau au nain confus de cet honneur, au
grand ébahissement de Juana qui n’en pouvait croire ses yeux ni ses
oreilles :
    – Ça, mon ami Chico, fit-il gaiement, assieds-toi là, en
face de moi, et soupons, morbleu ! Nous ne l’avons pas volé,
que t’en

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