Catherine et le temps d'aimer
faire tout le chemin.
Avec une avidité d'affamé, sa bouche emprisonna celle qui s'offrait, s'y attacha en un baiser qui ne finissait plus et qui ne tarda pas à mettre en feu leur sang à tous deux. En même temps, les mains d'Arnaud, glissant sur les épaules et le dos de Catherine, prirent conscience de sa nudité. Doucement, il écarta les couvertures de soie demeurées entre eux. Elle ne résista pas, l'aida au contraire, avide de s'offrir complètement à lui. Repoussé par ses pieds impatients, le dernier drap tomba, recouvrant le cadavre du serpent dont elle avait failli mourir, mais Catherine l'avait déjà oublié : la vie bouillonnait de nouveau en elle, la chaleur d'amour la bouleversait jusqu'aux entrailles. S'écartant d'Arnaud, elle se laissa glisser sur le dos, dans la lumière froide de la lune pour qu'il pût mieux la voir.
— Dis-moi si je suis toujours belle ? murmura-t-elle, sûre d'avance de la réponse. Dis-moi si tu m'aimes toujours ?
— Tu es plus belle que jamais, diablesse !... et tu le sais bien !
Quant à t'aimer...
— Dis-le-moi ! Tu m'aimes, je le sais, je le vois... Est-ce que j'ai honte, moi, d'avouer que je t'adore ? Je t'aime, mon beau seigneur... Je t'aime plus que tout au monde !
— Catherine !
De nouveau, elle revenait vers lui, pour vaincre cette dernière résistance qu'elle sentait, l'entourait de ses bras doux, l'affolait du contact de sa chair. Elle était un trop merveilleux sortilège et il n'était qu'un homme. Sans s'expliquer par quel miracle la pitoyable créature de tout à l'heure s'était muée d'un seul coup en cette affolante sirène, il s'avoua vaincu, la reprit dans ses bras.
— Mon amour... murmura-t-il contre sa bouche... ma douce Catherine !... ma femme !
La suite était inéluctable. Il y avait trop longtemps qu'ils attendaient, l'un et l'autre, de retrouver ensemble les gestes de l'amour ! Le palais rose aurait pu crouler sur eux, mais n'aurait pu empêcher Catherine de se donner à son époux. Durant de longues minutes, ils s'aimèrent avec une ardeur sauvage, oubliant le danger que renfermaient ces murs chatoyants, attentifs seulement à cette incomparable volupté qu'ils trouvaient ensemble.
Ils se seraient peut-être aimés des heures encore si une brusque lumière n'avait envahi la pièce tandis qu'une voix lançait, stridente de colère :
— L'inceste est-il une coutume franque ? Voilà, il me semble, une étrange attitude pour un frère et une sœur.
Instantanément, le couple se sépara. Arnaud bondit sur ses pieds tandis que Catherine regardait, avec une terreur soudaine, le visage convulsé de Zobeïda qui se tenait debout au centre de la chambre, deux serviteurs portant des torches sur ses talons. La princesse était méconnaissable. La haine avait bouleversé ses traits tandis que sa peau dorée devenait d'un gris de cendre. Ses larges prunelles s'injectaient, ses petits poings, crispés, disaient clairement son désir de meurtre. Elle serrait les dents, si fort que les mots eurent du mal à en franchir le barrage. Tournant le dos à Catherine, elle s'adressa furieusement à Arnaud :
— Tu m'as trompée... mais pas tant que tu le croyais. Je sentais qu'il y avait, entre cette femme et toi, autre chose que le lien du sang.
Je le sentais... à ma haine ! J'aurais pu aimer ta sœur, mais, elle, je l'ai détestée du premier regard ! C'est pourquoi je l'ai surveillée...
Du bout de son pied, Arnaud rejeta la couverture, découvrant le corps noir du serpent.
— Surveillée seulement ? Alors, explique-moi donc ceci ? Sans moi, elle serait morte !
— Et je voulais sa mort parce que je devinais qu'il y avait quelque chose entre vous ! J'en étais sûre... Je suis venue, pour faire enlever son cadavre... et je vous ai vus... vus, tu comprends ?
— Cesse de hurler ! coupa Arnaud dédaigneux. Ne dirait-on pas que je t'appartiens ? Tu es là, à crier, à revendiquer comme n'importe quelle fatma du bazar dont l'époux court les filles. Tu n'es rien pour moi... rien, qu'une Infidèle dont je suis seulement le captif !"
— Arnaud ! souffla Catherine inquiète de voir son ennemie devenir livide. Prends garde !...
Mais Zobeïda continuait à la dédaigner.
— Et cette femme blanche t'est beaucoup, sans doute ?
— Elle est ma femme ! riposta le chevalier avec simplicité. Mon épouse devant Dieu et devant les hommes. Et, si tu veux vraiment tout savoir, nous avons un fils, dans notre pays ! Maintenant, comprends si tu
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