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Catherine et le temps d'aimer

Catherine et le temps d'aimer

Titel: Catherine et le temps d'aimer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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devait pas toucher à cette femme, épouse d'un meurtrier, tant que son légitime propriétaire vivait encore et, dès le troisième soir, il avait cessé de demander Catherine. Mais Morayma, superstitieuse à l'excès et tournée, en bonne fille de Juda, vers l'ésotérisme, n'était pas loin de considérer la nouvelle favorite comme un être extraordinaire. Ses silences, ses longues heures de mutisme taciturne lui semblaient les signes d'un esprit marqué par les esprits invisibles.
    À dire vrai, les effets de la drogue d'Abou-al-Khayr avaient de plus en plus de mal à s'effacer du cerveau de Catherine. Elle vivait, le jour, dans une sorte d'état second, l'esprit envahi de fumées qui avaient du moins l'avantage d'estomper l'angoisse et d'endormir la douleur. Peut-
    être, sans cela, fût-elle devenue folle tant était insupportable la pensée d'Arnaud torturé par la faim, la soif et le manque de sommeil dans le lugubre donjon d'Al Hamra. Cependant, inquiète de sentir ses sens et ses réflexes s'endormir, Catherine, aux deux derniers soirs de la semaine, n'avait pas touché à la confiture de roses et s'était contentée de feindre le sommeil. Elle voulait être en possession de toutes ses facultés au jour de l'exécution.
    Une dernière touche de khôl aux paupières et Morayma enveloppait Catherine d'un voile, tissé et rebrodé d'or, qui achevait d'en faire une idole étrange et barbare.
    — Il est l'heure, maintenant... souffla-t-elle en lui offrant la main pour l'aider à franchir le seuil.
    Mais Catherine refusa la main tendue. Elle était persuadée que ce chemin dans lequel elle s'engageait était celui de la mort, qu'il ne lui restait plus beaucoup de temps à vivre et que ces parures fabuleuses dont on l'avait revêtue n'étaient que les ornements suprêmes de la victime destinée au sacrifice. Tout à l'heure, elle poignarderait Arnaud pour lui éviter de plus longues et de plus abominables tortures, puis elle tournerait vivement l'arme contre elle-même et tout serait dit. Son âme, unie à celle de son époux, s'envolerait dans cet air bleu et chaud, dans ce soleil qui, bientôt, allait s'abîmer derrière les montagnes neigeuses, et ils seraient à jamais réunis, délivrés de la douleur, du doute, de la jalousie, laissant seulement un peu de chair inerte aux mains de leurs bourreaux. A tout prendre, oui, ce jour était un beau jour parce que Catherine, comme Arnaud lui-même sans doute, n'aspirait plus qu'à un profond repos...

    Lorsque la future sultane, environnée de femmes et escortée d'une puissante troupe d'eunuques, apparut dans l'enceinte, le Calife et sa suite avaient déjà pris place dans la tribune élevée, tendue de vert et d'or, qui leur était préparée. Les nombreux amuseurs de la foule avaient cessé leurs tours, mais le silence ne s'était pas fait. Le peuple jacassait comme une volière en folie, parvenu au plus haut degré d'excitation. L'apparition de la favorite retint un instant son attention.
    Au milieu des voiles tendres de ses femmes, bleus, roses, safran ou vert amande, elle était scintillante et mystérieuse à la fois, l'éclat de ses joyaux se devinant sous le nuage doré de son voile.
    Silencieusement, Catherine vint prendre place dans une tribune, moins élevée que celle du Calife, auprès de laquelle elle était située.
    Des soieries bleues rhabillaient et quelques marches la faisaient communiquer avec le sable de l'arène improvisée.
    Silencieux, lui aussi, Muhammad regardait approcher la jeune femme, caressant d'un geste nerveux et machinal sa barbe blonde.
    Leurs regards se croisèrent, mais ce fut lui qui détourna les yeux, impressionné par l'éclair sauvage échappé à ceux de Catherine. Avec un froncement de sourcils, il ramena son attention vers l'arène sur laquelle une troupe de jeunes danseurs berbères venaient d'apparaître au son d'une musique à la fois nasillarde et plaintive. Vêtus de longues robes blanches, chargés de lourds bijoux et fardés comme des filles, la taille et le front ceints de cordelières rouges, ces jolis éphèbes avaient des visages d'une finesse exquise, des yeux languides et des sourires hermétiques. Martelant le sol de leurs pieds agiles, ils se déhanchaient voluptueusement, mimant en un ballet étrange, aux figures compliquées, les gestes mêmes de l'amour. Certains chantaient, d'une voix de tête suraiguë, en s'accompagnant de rebecs à la musique aigrelette ; d'autres faisaient sonner entre leurs doigts

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