George Sand et ses amis
(1853), où elle met en scène, non plus des paysans, mais des villageois. «Les villageois, dit-elle, sont plus instruits. Ils ont des écoles, des industries qui étendent leurs relations. Ils ont des rapports et des causeries journalières avec le curé, le magistrat local, le médecin, le marchand, le militaire en retraite, que sais-je ? tout un petit monde qui a vu un peu plus loin que l'horizon natal.»
L'intrigue du Pressoir est des plus simples, mais non sans agrément. La petite Reine, filleule de Maître Bienvenu, menuisier, aime le gars Valentin, fils de Maître Valentin, charpentier, et ne veut pas l'avouer ; car elle est sans dot. D'autre part, le fils Valentin a de l'amitié pour Pierre Bienvenu et craint de le supplanter. On surmonte les obstacles, et Valentin épouse Reine. Pour donner un spécimen du parler villageois, il suffit de citer cette déclaration d'un coureur de cotillons : «Savez-vous, Reine, que vous êtes tous les matins plus jolie que la veille, et que ça crève un peu le cœur à un jeune homme sur le point de se marier, de voir que tant de belles roses fleurissent quand même dans le jardin des amours ?»
A propos de Claudie, Gustave Planche avait surnommé George Sand le disciple de Sedaine. Elle voulut mériter cette flatteuse dénomination et composa le Mariage de Victorine, qui fut représenté le 26 novembre 1851 au Gymnase-Dramatique. C'était, en trois actes, la suite attrayante du Philosophe sans le savoir. Victorine, fille du brave caissier Antoine, aime le fils Vanderke, et là, comme dans le Pressoir, l'amour triomphe des difficultés. Le théâtre de George Sand se complaît aux dénouements optimistes.
Que dire des Vacances de Pandolphe (1852), sinon que c'est une très médiocre restitution de la comédie italienne ?-Dans le Démon du Foyer, il y a trois soeurs qui avec des mérites inégaux sont cantatrices. Camille Corsari a le talent, Flora la beauté-c'est le «démon du foyer»-et Nina tient l'emploi de Cendrillon. Le prince qui enlève Flora n'est pas sans ressemblance avec Carnioli de Dalila, mais le mélomane d'Octave Feuillet prodigue une verve et un brio qui manquent à son émule.-Flaminio (1854) est un proche parent de Teverino, le type de l'aventurier effronté et pourtant sympathique.
Champi italien, il a été trouvé sous un berceau de pampres, au bord de l'Adriatique, au pied d'une belle et souriante madone. De pauvres pêcheurs l'ont recueilli, nourri, battu, puis délaissé, le jour où il fut assez fort pour devenir contrebandier. Voici son portrait peint par lui-même : «Je suis artiste, monsieur ; je chante, j'ai une voix magnifique. Je ne suis pas musicien précisément, mais je joue de tous les instruments, depuis l'orgue d'église jusqu'au triangle. Je suis né sculpteur et je dessine... mieux que vous, sans vous offenser. J'improvise en vers dans plusieurs langues. Je suis bon comédien dans tous les emplois. Je suis adroit de mes mains, j'ai une superbe écriture, je sais un peu de mécanique, un peu de latin et le français comme vous voyez. Je ne monte pas mal les bijoux ; je suis savant en céramique et en numismatique. Je danse la tarentelle, je tire les cartes, je magnétise. Attendez ! j'oublie quelque chose. Je suis bon nageur, bon rameur, homme de belles manières, hardi conteur, orateur entraînant !... enfin j'imite dans la perfection le cri des divers animaux.» Tel est l'homme qui, sous son déguisement mondain, a touché la trop sensible Sarah Melvil et réussit à l'épouser.-Maître Favilla (1855) est un musicien halluciné qui croit avoir hérité du château de Muhldorf ; on flatte sa manie.-Dans Lucie, André revient au gîte et s'éprend de celle qu'il croit être sa sœur naturelle. Il n'en est rien. Ils peuvent se marier.-Françoise, représentée au Gymnase en 1856 avec le concours précieux de Rose-Chéri, retrace l'aventure sentimentale de la fille du docteur Laurent. George Sand y réfute l'égoïsme d'une bourgeoise qui formule ainsi sa conception de la vie : «L'amour, ça passe ; le rang, ça reste.»-Marguerite de Sainte-Gemme, à ce même théâtre du Gymnase, et en dépit de la même interprète, n'eut qu'une médiocre fortune en 1859.
-George Sand devait être plus heureuse avec deux pièces tirées de ses romans : d'abord avec Mauprat, quoique la distribution des actes et des tableaux soit imparfaitement agencée, mais surtout avec le Marquis de Villemer, où elle eut la prestigieuse
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