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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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le lendemain sur l'issue de cette première soirée. Il attend fort paisiblement un auditoire plus calme et plus indulgent. Il a droit à cette indulgence, il y compte.» Moins solennelle et encore plus sincère est l'impression formulée dans une lettre du 1er mai au graveur Calamatta : «J'ai été huée et sifflée comme je m'y attendais. Chaque mot approuvé et aimé de toi et de mes amis a soulevé des éclats de rire et des tempêtes d'indignation. On criait sur tous les bancs que la pièce était immorale, et il n'est pas sûr que le gouvernement ne la défende pas. Les acteurs, déconcertés par ce mauvais accueil, avaient perdu la boule et jouaient tout de travers. Enfin, la pièce a été jusqu'au bout, très attaquée et très défendue, très applaudie et très sifflée. Je suis contente du résultat et je ne changerai pas un mot aux représentations suivantes. J'étais là, fort tranquille et même fort gaie ; car on a beau dire et beau croire que l'auteur doit être accablé, tremblant et agité ; je n'ai rien éprouvé de tout cela, et l'incident me paraît burlesque.»
    Cosima avait pour interprètes les meilleurs artistes de la Comédie-Française : Menjaud, Geffroy, Maillard, Beauvallet, madame Dorval, alors dans toute la splendeur de son talent, et intimement liée avec George Sand. Mais le sujet était invraisemblable et maladroitement exposé. Cosima, épouse d'Alvice Petruccio, bourgeois et négociant de Florence, se trouve en butte aux assiduités d'un riche Vénitien, Ordonio Elisei.
    Il la poursuit à l'église-où se passe le premier acte-puis à la promenade ; il monte la garde sous ses fenêtres. Une telle obsession d'amour voudrait le déploiement des grandes tirades romantiques d'Antony, d'Henri III et sa Cour, ou de Chatterton. Il paraît que l'auteur de Jacques et d'Indiana se piquait de mettre en scène l'intérieur d'un ménage. Son dessein a été médiocrement rempli ; car il n'avait à sa disposition ni les ressources d'une psychologie délicate ni l'éblouissement du dialogue. Au dénouement, Cosima s'empoisonne. Pourquoi ? Ce n'est cependant pas une Lucrèce. George Sand allègue des raisons qui sont insuffisantes et mal adaptées : «Non, dit-elle, tous les hommes d'aujourd'hui ne sont pas livrés à des pensées de despotisme et de cruauté. Non, la vengeance n'est pas le seul sentiment, le seul devoir de l'homme froissé dans son bonheur domestique et brisé dans les affections de son coeur. Non, la patience, le pardon et la bonté ne sont pas ridicules aux yeux de tous ; et, si la femme est encore faible, impressionnable et sujette à faiblir, dans le temps où nous vivons, l'homme qui se pose auprès d'elle en protecteur, en ami et en médecin de l'âme, n'est ni lâche ni coupable : c'est là l'immoralité que j'ai voulu proclamer.» Il se peut que l'auteur ait pensé mettre tout cela dans Cosima et l'y ait mis en effet ; mais nous avons peine à l'y découvrir.
    En 1848, pour le Théâtre de la République, c'est-à-dire pour la Comédie-Française, George Sand composa un prologue intitulé le Roi attend. On y voyait Molière et les acteurs et actrices de sa troupe, ainsi que les ombres de Sophocle, Eschyle, Euripide, Shakespeare, Voltaire et Beaumarchais. La représentation eut lieu le 9 avril.
    Les rôles étaient tenus par Samson, Ligier, Maubant, Maillard, Geffroy, Provost, Régnier, Delaunay, Mirecour, Leroux, mesdames Rachel et Augustine Brohan. Dans cette pièce de circonstance, destinée à glorifier la Révolution récente, il n'y a lieu de retenir qu'une tirade où Molière, déchirant les voiles de l'avenir, pressent et annonce l'avènement de la démocratie. Et voici son dithyrambe : «Je vois bien un roi, mais il ne s'appelle plus Louis XIV ; il s'appelle le peuple ! le peuple souverain ! C'est un mot que je ne connaissais point, un mot grand comme l'éternité ! Ce souverain-là est grand aussi, plus grand que tous les rois, parce qu'il est bon, parce qu'il n'a pas d'intérêt à tromper, parce qu'au lieu de courtisans il a des frères... Ah ! oui, je le reconnais maintenant, car j'en suis aussi, moi, de cette forte race, où le génie et le coeur vont de compagnie. Quoi ! pas un seul marquis, point de précieuse ridicule, point de gras financier, point de Tartufe, point de fâcheux, point de Pourceaugnac ?» George Sand, on le sent de reste, ne recule pas devant l'anachronisme, et cette apologie de la République, dans la bouche de

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