Gondoles de verre
Il trouvait que ce mot faisait penser à… bassin hygiénique .
— Que s’est-il passé ? demanda-t-il. Mon dernier souvenir est un choc dans le dos, suivi de deux coups de feu. Après, je me suis évanoui.
— Bossi est arrivé juste à temps au rio di San Barnaba. Il a tué Potocki.
— Comment savait-il où j’étais ?
— Il pourra te le raconter lui-même.
La princesse lui lança un regard amusé.
— Tu veux lui parler ?
— Bossi est là ? Au bal ?
— Pourquoi pas ? Nous lui devons une fière chandelle.
Elle se pencha au-dessus du lit, épousseta quelques miettes sur la couette et ajouta en passant : — Marie-Sophie est là également.
Comment ? Pendant un instant, il fut persuadé de rêver encore.
— La reine est ici ?
Maria hocha la tête en souriant.
— Elle est allée ce matin au commissariat pour s’entretenir avec toi d’un sujet important. C’est ainsi qu’elle a appris ce qui t’était arrivé. Elle est aussitôt accourue au palais Tron pour demander de tes nouvelles.
— T’a-t-elle dit de quoi il s’agissait ?
La princesse secoua la tête.
— Non.
— Et comment se fait-il qu’elle soit ici ce soir ?
— La comtesse et moi-même l’avons invitée. Elle vient à l’instant de danser avec Spaur.
Pardon ? Quoi ? Par précaution, Tron préféra demander confirmation.
— La reine de Naples vient de danser avec Spaur ?
Sa fiancée hocha la tête.
— Le commandant aussi est venu cet après-midi pour se renseigner sur ton état de santé – un supérieur attentionné, vraiment. Bon, bien entendu, il avait une idée derrière la tête. Il m’a laissée entendre qu’une invitation lui ferait plaisir. Et qu’il serait heureux si cette invitation s’étendait à une certaine demoiselle.
Tron fronça les sourcils bien que, maintenant, plus rien ne l’étonnât.
— Mlle Violetta est en haut ?
— Il n’y avait pas moyen de refuser, répondit la princesse. Pourquoi pas, d’ailleurs ? Elle fait bonne figure.
— La voilà introduite dans la société, commenta Tron d’un air songeur. J’espère que les intentions du baron sont sérieuses.
Elle hocha la tête avant de se relever.
— Avec un peu de chance, elle sera bientôt baronne. Tu veux que je t’envoie Bossi ?
Tron enfonça sa tête enrubannée dans les oreillers. Son front couvert de sueur lui semblait tantôt brûlant tantôt glacé.
— Dis-lui de me descendre quelques beignets dauphin , ordonna-t-il. Et enlève cette abominable tasse à bec de ma table de nuit ! Je n’en ai plus besoin.
Après avoir reçu l’invitation de la princesse, Bossi avait apparemment couru louer une queue-de-pie. Cette tenue de soirée noire ne manqua pas de surprendre le commissaire qui ne se souvenait pas de l’avoir jamais vu sans uniforme et, de toute évidence, le sergent lui-même ne se sentait pas encore très à l’aise. Au moment où il entra dans la chambre, Tron remarqua avec amusement qu’il s’apprêtait à le saluer de façon réglementaire avant de se reprendre et d’esquisser une simple révérence – ce qui n’était pas aisé non plus avec une coupe en argent dans les mains. Il devait s’agir des beignets dauphin qu’il avait réclamés. Il sourit pour l’aider à se détendre.
— Vous avez fière allure, sergent.
Son subalterne rougit et se mit à toussoter.
— La princesse m’a dit la même chose.
— Elle vous est très reconnaissante. Nous vous sommes tous très reconnaissants.
Il désigna une chaise près de son lit.
— Comment avez-vous su où j’étais ?
— Vendredi soir, en sortant de chez Troubetzkoï, je suis passé au commissariat pour prendre les clichés du père Terenzio que nous voulions montrer le lendemain à la reine.
Il semblait soulagé que leur discussion se tourne vers le domaine professionnel.
— Une fois sur place, j’ai regardé à nouveau les autres photographies. Et à ce moment-là, un détail m’a frappé sur celles du palais Mocenigo.
La main de Tron qui s’apprêtait à cueillir un beignet s’immobilisa en l’air.
— Le piano ?
Bossi leva les sourcils.
— Vous êtes au courant ?
— Continuez, dit son chef.
— Nous n’avions pas remarqué le trou dans le côté gauche. Un trou assez grand pour y entrer une manivelle.
— Une manivelle ?
— Il s’agit d’un piano mécanique. Quand on le remonte, il peut jouer plusieurs minutes.
Le sergent regarda Tron.
— Alors je me suis rappelé ce que Troubetzkoï avait dit au
Weitere Kostenlose Bücher