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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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l'asseyait sur un lit de coton. Ces douces créatures, toutes nues, venaient pleurer à ses pieds, si bien qu'il ne pouvait s'empêcher de pleurer. C'étaient des petits mots de sœurs, qui fendaient l'âme; «Quoi? tu as pris la peine de venir de si loin pour nous voir!... Que tu es donc aimable et bon?»
    Ces observateurs excellents s'accordent en tout là-dessus. L'Amérique sentait qu'elle avait besoin de l'Europe, d'une Europe compatissante. Ces tribus, d'elles-mêmes humaines et douces, n'étaient ensauvagées que par leurs discordes intérieures, des vengeances mutuelles, des représailles qu'on ne savait comment finir. Leurs éternelles petites guerres avaient porté à la famille même une grave atteinte qui la menaçait réellement d'extinction. C'est ce qu'on a vu dans l'ancienne Grèce. Une vie trop guerrière y fit considérer la femme comme un être presque inutile, un embarras souvent funeste. De là une dépopulation infaillible et rapide. Nos Français, au contraire (c'est le défaut ou le mérite de cette race), étonnamment empressés, amoureux, et jusqu'au ridicule, courtisans de l'Indienne, si dédaignée des siens, s'en faisaient adorer.
    Ils n'avaient ni l'orgueil ni l'exclusivisme de l'Anglais qui ne comprend que son Anglaise. Ils n'avaient point les goûts malpropres, avares, du senor espagnol, son sérail et ses négrillons. Libertins près des femmes, du moins ils se mettaient en frais de soins et de galanterie. Ils voulaient plaire, charmaient et la fille, etle père, les frères, dont ils étaient les hardis compagnons de chasse. La tribu accueillait volontiers le fruit de ces amours, des métis de vaillante race. La femme américaine, se voyant aimée, désirée, se trouvait relevée. Notre émigrant français, roturier en Europe, simple paysan même, était noble là-bas. Il épousait telle fille de chef, parfois devenait chef lui-même.
    Les esprits les plus positifs, Coligny, Henri IV, Colbert, avaient cru que notre Français (et surtout celui du Midi) était très-propre aux colonies, qu'un petit nombre de Français aurait créé un grand empire colonial. Comment? en se greffant par mariages sur le peuple indigène, le pénétrant d'esprit européen. Véritable colonisation, qui eût sauvé et transformé la race de l'Amérique, que le mépris sauvage des Anglais a exterminée. Ils ont fait une Europe, c'est vrai, mais supprimé l'Amérique elle-même, anéanti le genius loci . Ce qu'il y aurait eu de fécond dans son mariage volontaire avec la civilisation, cela a péri pour toujours. Crime contre Dieu, contre Nature. Il sera expié par la stérilité d'esprit.
    Les Jésuites, rois du Canada, maîtres absolus des gouverneurs, avaient là de grands biens, une vie large, épicurienne (jusqu'à garder de la glace pour rafraîchir leur vin l'été). Ce très-agréable séjour était commode à l'ordre qui y envoyait d'Europe ce qui l'embarrassait, parfois de saints idiots, parfois des membres compromis qui avaient fait quelque glissade. Ils n'aimaient pas qu'on vît de près les établissements lointains qu'ils avaient au cœur du pays, qu'on vînt se mettre entre eux et les troupeaux humains dont ilsdisposaient à leur gré. Colbert se plaint à l'intendant de ce qu'ils éloignent les sauvages de se mêler aux Français par mariage ou autrement. Si ce monde fût resté fermé, ils auraient fait là à leur aise ce qu'ils ont fait au Paraguay, une société singulière où les sauvages, devenus écoliers, auraient été la matière gouvernable la plus agréable du monde (comme leurs imbéciles du Sud dont parle M. de Humboldt). Seulement, ces moutons n'auraient pu se garder des loups, lutter avec les fières tribus, restées sauvages. Une terrible expérience fut celle du vaillant peuple des Hurons, qui, à peine christianisés, tombèrent dans une énervation telle que les Iroquois l'anéantirent (1650).
    Rien n'était plus suspect aux Jésuites que nos rôdeurs, qu'on appelait les coureurs de bois . Tous les mensonges de ces Pères sur l'horreur du monde sauvage, sur sa férocité, sur les hommes mangés ou brûlés, n'effrayaient guère nos vagabonds, chasseurs, marchands, etc. Ils s'étaient faits bons amis des Indiens. On les trouvait partout. Les Jésuites s'appuyèrent des Compagnies de Colbert, et obtinrent des ordonnances terribles contre les coureurs , à ce point qu'il fut défendu, sous peine des galères, d'aller à la chasse à une lieue . ( Ord. du Canada , éd. R. Short

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