Il suffit d'un Amour Tome 2
flanc de colline, contournant de gros rochers glissants d'eau et se dirigeant droit vers le sommet de l'épaulement boisé. Soudain, la lumière disparut, comme engloutie par la terre, et Sara hésita, livrée tout à coup à l'obscurité.
Elle reprit néanmoins sa marche en avant, dans la direction où elle avait vu la lumière s'effacer. Ses yeux s'habituaient à l'obscurité et elle pouvait se diriger sans trop de peine. Bientôt Sara comprit pourquoi la lumière avait disparu. Le sentier longeait une gigantesque roche dans laquelle s'ouvrait une faille assez large pour livrer passage à un corps humain. Persuadée que Pâquerette s'était glissée dans ce trou, Sara s'arrêta, tendit l'oreille, croyant bien distinguer un bruit de voix étouffées. Elle regretta de n'avoir pas songé à se munir d'une arme, mais s'engagea tout de même, courageusement, dans l'étroit passage, tâtant le rocher de ses mains. Bientôt, elle dut étendre les bras car le boyau s'élargissait mais le reflet d'une lumière vive lui apparut en même temps que s'enflait le bruit des voix. Dans les profondeurs de la terre, quelque part au bout de l'étroite galerie, un chant bizarre se faisait entendre.
Sara pressa le pas, encouragée par la lumière plus efficace. Le chemin plongeait résolument en profondeur, rendu glissant et malaisé par les infiltrations d'eau. Mais une sensation de chaleur par venait maintenant à Sara. Le couloir lit un coude, puis montra une grande déchirure claire, à moitié bouchée par un éboulement de roches derrière lesquelles la tzingara alla se tapir pour regarder au-delà.
Ce qu'elle vit la fit se signer précipitamment. L'éboulement ouvrait sur une caverne assez spacieuse au milieu de laquelle un feu était allumé.
Derrière ce feu, érigée sur une sorte d'autel taillé dans le roc, il y avait une grossière statue de bois qui avait le corps d'un homme et la tête d'un bouc entre les cornes duquel brûlaient trois chandelles de cire noire. Une douzaine d'hommes et de femmes, de tous âges, vêtus comme des paysans, étaient assis à terre en demi-cercle de chaque côté de la statue. Ils étaient rigoureusement immobiles et Sara les eût pris pour des statues si un chant monotone aux paroles à peine distinctes n'avait jailli de leurs lèvres. Seul, un grand vieillard à cheveux blancs aussi longs que ceux d'une femme était debout devant la grimaçante idole. Les mains au fond des manches de la longue robe noire, peinte de signes cabalistiques rouges, qui l'habillait du cou aux talons, il se penchait vers Pâquerette. La jeune fille avait rejeté le capuchon de sa mante sombre. Elle se tenait à genoux devant le vieillard, tête nue. Elle lui parlait et il lui répondait, mais Sara était trop loin pour entendre ce qu'ils disaient. La bohémienne avait compris qu'elle se trouvait là en face de l'assemblée des sorciers de Mâlain, dans le temple secret où ils célébraient le culte de Satan, leur maître...
Sara vit soudain Pâquerette tendre quelque chose de brillant à son interlocuteur : une mèche de cheveux dorés, et réalisa que c'étaient là des cheveux de Catherine. La sorcière avait dû les couper tout à l'heure, au moment où Sara s'était éveillée et avait senti une présence. Le vieil homme partagea la mèche en deux, en fit disparaître la moitié sous sa robe et fit brûler l'autre moitié, conservant les cendres soigneusement. Pâquerette toujours à genoux lui tendit alors une poule noire qui expliqua à Sara sa visite au poulailler. Le sorcier posa la poule sur l'autel, lui trancha la tête d'un coup de couteau. Un jet de sang jaillit et le sacrificateur en recueillit dans un bol de bois. Il en mêla une partie aux cendres des cheveux, en forma une sorte de pâte à laquelle il ajouta un peu de farine puis, se tournant vers le bouc, il éleva jusqu'à sa bouche grimaçante l'espèce de galette ainsi formée. Pâquerette s'était prosternée, face contre terre, tandis qu'à la ronde les sorciers chantaient plus fort, se balançant en cadence sur leurs hanches.
Sara fut obligée de se secouer pour échapper à l'envoûtement maléfique de la scène. Elle comprenait que Pâquerette, doutant sans doute de ses propres sortilèges, était venue demander, contre l'ennemie qu'elle s'était découverte, le secours de quelqu'un de plus fort qu'elle.
Ses invocations terminées, le vieillard revint à Pâquerette, la releva et marqua son visage, en croix, avec le sang de la
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