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Il suffit d'un amour

Il suffit d'un amour

Titel: Il suffit d'un amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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une citrouille et paré d'une aigrette blanche, en fusée, naviguait même au-dessus des têtes, signalant un Turc à la curiosité générale. Enfin, vers le fond du Marché, des baladins avaient tendu des cordes au-dessus de la foule et un maigre garçon, moulé dans un maillot rouge vif, se promenait nonchalamment à la hauteur d'un premier étage, un long balancier entre les mains.
    Catherine eut à peine le temps de se dire que celui- là était certainement le mieux placé de tous pour bien voir. Une sonnerie de trompettes d'argent annonçait le départ de la procession. En même temps, toutes les cloches de Bruges se mirent à sonner et la jeune fille, en riant, se boucha les oreilles à cause de celle du beffroi dont le tintamarre lui tombait juste sur la tête.
    — Il est de plus en plus difficile d'acheter les laines anglaises à bon compte, se plaignait Mathieu Gautherin. Les Florentins de la Calimala raflent tout à prix d'or et reviennent ensuite ici vendre leurs draps à des taux terrifiants. Je reconnais que leurs tissus sont beaux et leurs couleurs brillantes, mais tout de même ! D'autant plus que l'alun des mines de Tolfa qu'ils ont sous la main leur permet de fixer les couleurs à bon compte...
    — Bah ! renchérit son nouvel ami, nous avons, nous autres pelletiers, des difficultés de ce genre. Ces gens de Novgorod n'exigent-ils pas maintenant d'être payés en ducats de Venise ?

Comme si notre bon or flamand n'avait pas autant de valeur...
    — Chut... ! fit Catherine que ce bavardage mercantile agaçait.
    Voici la procession !
    Les deux hommes se turent et le bourgeois de Gand profita de ce que la jeune fille était captivée par le spectacle pour diminuer la distance qu'elle avait mise entre elle et lui. Cela l'obligea à se tordre le cou de côté pour éviter d'être éborgné par les cornes de dentelles de sa haute coiffure. Catherine les yeux écarquillés, ne pensait d'ailleurs plus à lui. La procession s'ébranlait.
    C'était en vérité une superbe procession ! Les échevins, toutes les corporations, chacune avec sa bannière, y. étaient représentés. Par révérence pour la relique, tout ce monde portait des couronnes de rose, de violette, et de marjolaine, qui sur ces bonnes figures bien nourries faisaient un étrange effet.

    Une cohorte de moines et une théorie de jeunes filles en robes blanches précédaient immédiatement le Saint Sang dont l'approche jetait tout le monde à genoux dans la poussière.
    Catherine, éblouie, crut voir s'avancer le soleil lui- même soudainement décroché du ciel. D'or frisé était le grand dais porté par quatre diacres au-dessus de la tête de l'évêque. De drap d'or, rebrodé d'or et de diamants, la chape du prélat et sa mitre étincelante. Il s'avançait, au petit pas d'une mule blanche, harnachée d'or elle aussi, et portait entre ses mains gantées de pourpre, contre sa poitrine, un reliquaire scintillant dont le couvercle était orné de deux anges agenouillés aux ailes émaillées de saphirs et de perles. Les vitres de cristal de la minuscule chapelle laissaient voir à l'intérieur une petite ampoule d'un rouge presque brun : le Précieux Sang du Christ, quelques gouttes recueillies jadis sur le Golgotha par Joseph d'Arimathie. Thierry, Comte d'Alsace et de Flandres, à qui le patriarche de Jérusalem les avait remises en 1149, avait rapporté de Terre Sainte à Bruges l'ampoule sainte.
    À peine relevée de son agenouillement, la jeune fille dut replonger, cette fois dans une profonde révérence.
    — Voilà la duchesse ! avait dit quelqu'un dans la foule...
    En effet, derrière le dais, une troupe de jeunes femmes en toilettes somptueuses, toutes vêtues de brocart bleu pâle givré d'argent et de perles, toutes portant le hennin de toile d'argent ennuagé de mousseline bleue, entouraient une jeune femme blonde, mince et gracieuse, au visage triste et doux. La longue traîne doublée d'hermine de sa robe de brocart bleu à grandes fleurs d'or roulait les fleurs et les feuillages sur ses pas. Son hennin constellé de saphirs semblait une flèche d'or fin, et des bijoux étincelants couvraient sa gorge frêle, ses poignets ; sa ceinture était faite de gros cabochons d'or d'un travail presque barbare par la grosseur des pierres enchâssées.
    C'était la première fois que Catherine voyait la duchesse de Bourgogne. Jamais en effet, la souveraine ne venait à Dijon. Toute l'année, elle vivait, seule avec ses femmes, dans le

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