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Il suffit d'un amour

Il suffit d'un amour

Titel: Il suffit d'un amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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sévère et fastueux palais des comtes de Flandres, à Gand, parce que sa vue était pénible à son mari.

    Michelle de France était la fille du pauvre Charles VI le fou et surtout, la sœur du Dauphin Charles que la rumeur publique accusait de la mort du défunt duc Jean-Sans-Peur, assassiné au pont de Montereau trois ans plus tôt. Philippe de Bourgogne aimait chèrement son père et, du jour où il avait appris sa mort, l'amour sans passion qu'il portait à sa jeune femme s'était éteint, simplement parce qu'elle était la sœur de son ennemi. Dès lors Michelle n'avait plus vécu que pour Dieu et pour soulager les misères. Les gens de Gand l'adoraient et tenaient quelque peu ligueur à leur légitime seigneur de son attitude envers une femme si douce et si bonne. Ils la jugeaient excessive et parfaitement injuste.
    À considérer le doux visage de Michelle, Catherine rejoignit aussitôt les bourgeois de Gand dans leur opinion et se dit que le duc Philippe n'était qu'un imbécile. Derrière elle, le pelletier gantois chuchotait à l'oncle Mathieu :
    La vie de notre pauvre duchesse n'est qu'un long martyre. L'an passé, est-ce que le duc n'a pas célébré avec éclat la naissance du bâtard qu'il a eu de la dame de Presles ? Notre bonne dame qui n'a pas d'enfant, et pour cause, en a pleuré des jours entier mais lui, sans souci de ses larmes, a proclamé le poupon Grand Bâtard de Bourgogne...
    comme s'il y vivait tant de raisons de faire le fier !
    l'indignation gonfla le cœur généreux de Catherine.
    Elle eût aimé voler au secours de la petite duchesse, si injustement dédaignée par son mari !
    Il approchait d'ailleurs, en personne, le duc Philippe. A cheval, escorté d'une troupe de chevaliers en harnois de guerre, il figurait dans le cortège avec le comte Thierry de Flandres à qui l'on devait le Saint Sang. Et, comme tel, portait des armes d'un autre âge. Un haubert à mailles d'acier l'emprisonnait des épaules aux genoux, assorti au camail qui enfermait sa tête sous le heaume conique, laissant tout juste passer l'ovale dur et pâle du visage. Une longue épée, large et plate pendait à son côté. Dans son poing droit ganté de fer il tenait une lance où flottait un pennon aux couleurs de Flandres.
    A son bras droit, l'écu en amande allongée. Les seigneurs de l'entourage étaient vêtus de même et formaient une impressionnante forêt de statues de fer noir, rigides et sinistres. Le regard de Philippe planait au-dessus des têtes et ne se posait sur rien. Comme il semblait hautain, distant et dédaigneux ! Catherine inclinée à nouveau sous le poids du respect se dit que, décidément, il n'était pas sympathique.
    Soudain, comme elle se relevait de sa révérence, Catherine sentit deux mains tremblantes étreindre sa taille. Elle fit un mouvement pour se dégager pensant que quelqu'un glissait et se rattrapait comme il pouvait. Mais les mains fureteuses remontaient maintenant le long de son buste pour se refermer avidement autour de ses seins. Un hurlement de rage lui échappa. Se retournant avec une violence qui éloigna les voisins et fit basculer sa coiffure, la jeune fille fit face à l'agresseur et se retrouva nez à nez avec le pelletier de Gand, stupéfait d'une telle réaction.
    — Oh ! s'écria-t-elle... Espèce de pourceau !...
    Et, incapable de maîtriser sa colère, par trois fois, à toute volée, elle gifla l'impudent. Les joues blêmes rougirent instantanément comme des coquelicots en août, et le bourgeois recula en portant ses mains à sa figure. Mais Catherine était lancée. Sans souci de sa belle coiffe de dentelle qui roulait dans la poussière, libérant la masse rutilante de sa chevelure, elle voulut poursuivre l'adversaire malgré les efforts de Mathieu pour la retenir.
    — Ma nièce, ma nièce, êtes-vous folle ? s'écria le brave homme.
    — Folle ? Ah bien oui ? Demandez donc à ce triste individu, à cet ignoble marchand de peaux ce qu'il vient de faire ? Demandez-le-lui s'il ose vous le dire ?
    L'homme reculait dans l'ombre de la Halle, cherchant visiblement à s'esquiver mais la foule le coinçait. D'ailleurs, les assistants amusés prenaient parti, qui pour le pelletier, qui pour la jeune fille.
    — Bah, fit un épicier aussi large que haut, si on ne peut plus pincer la taille d'une fille dans la foule sans déchaîner un scandale...
    Une jeune femme au frais visage rond mais à l'œil impérieux s'était penchée pour le regarder sous le nez.
    —

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