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Il suffit d'un amour

Il suffit d'un amour

Titel: Il suffit d'un amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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prisonniers d'un bon pas. La place fut traversée presque en courant.
    Le pauvre Mathieu, toujours pleurant, suivait de son mieux, le chaperon de travers, son gros visage tout fripé offrant une ressemblance irrésistible avec celui d'un poupon désolé.
    Mais, parvenu à l'entrée du Palais gouvernemental, le pauvre homme vit les lances des gardes se croiser devant sa poitrine et force lui fut de renoncer à suivre le destin de sa nièce. Le cœur navré, il s'en alla s'asseoir sur une autre borne et se mit à pleurer comme une fontaine, à peu près certain de ne plus revoir Catherine que sur le chemin de l'échafaud.
    À sa grande surprise, à peine entrée sous la voûte du palais, Catherine avait constaté qu'on la séparait de son adversaire. Les gardes du pelletier prirent à gauche dans la cour tandis que Roussay dirigeait en personne sa prisonnière vers le grand escalier.
    — Est-ce que vous ne me conduisez pas aux prisons ? demanda la jeune fille.
    Le capitaine ne répondit pas. Le regard fixe, le visage morne sous la visière relevée de son casque, il allait son chemin à la manière d'un automate bien réglé. Catherine ne pouvait deviner que, s'il refusait aussi obstinément de la regarder ou même de lui répondre, c'était uniquement parce qu'il sentait le cœur lui manquer dès que ses yeux se posaient sur ce trop joli visage. C'était bien la première fois que Jacques de Roussay détestait sa consigne.
    Au bout de l'escalier il y eut une galerie, puis une porte, donnant sur une grande salle somptueusement meublée, puis une autre salle, plus petite et toute tendue de belles tapisseries à personnages. Dans ces tapisseries, une porte se découpa, poussée comme par magie sous la main du Capitaine.
    — Entrez, fit-il brièvement.
    Catherine, éberluée, s'aperçut seulement à cet instant que seul le Capitaine lui servait d'escorte et que les soldats avaient disparu comme par enchantement. Sur le seuil, Roussay trancha les liens de sa prisonnière d'un coup de dague puis la poussa à l'intérieur.
    La porte retomba sur elle sans faire le moindre bruit et, quand Catherine se retourna pour voir si son geôlier était toujours là, elle n'en crut pas ses yeux : la porte avait disparu, elle aussi, dans le dessin des murs.
    Avec un soupir résigné, la jeune fille se mit à examiner sa prison.
    C'était une chambre de dimensions réduites mais d'une rare splendeur.
    Les murs, tendus de drap d'or donnaient toute son importance à un grand lit vêtu de velours noir. Aucun écu ne se montrait au-dessus du chevet, mais des griffons d'or pur aux yeux d'émeraudes et des cordelières d'or maintenaient relevées les courtines sombres. Près de la cheminée haute et blanche, un dressoir d'ébène supportait quelques pièces d'orfèvrerie qui ne semblaient être là que pour servir d'escorte à une grande coupe de cristal étincelant dont le pied et le couvercle étaient d'or serti de grosses perles rondes. Entre les deux étroites fenêtres lancéolées, un grand coffre d'ébène portait une vasque d'or émaillé dans laquelle s'épanouissait une énorme brassée de roses couleur de sang.
    A petits pas prudents, Catherine s'avança sur l'épais tapis de laine aux tons noir et rouge sombre dont elle ne pouvait savoir qu'il était arrivé tout récemment de la lointaine Samarcande, sur une grosse caraque génoise encore mouillée dans l'avant-port de Damme. Au passage, un grand miroir pendu au mur lui renvoya son image : celle d'une jeune fille aux yeux étincelants, dont les cheveux en désordre brillaient plus fort que les murs dorés, mais dont la robe déchirée montrait plus de peau nue qu'il n'était convenable. Confuse à la pensée de tous ces gens qui avaient pu la contempler dans un pareil désordre, elle chercha autour d'elle un tissu quelconque pour voiler ses épaules et sa gorge, n'en trouva pas et se résigna à couvrir de ses deux mains croisées, sa poitrine à demi découverte.
    Elle se sentait lasse tout à coup et surtout elle avait faim. Catherine était douée d'une si vigoureuse nature que les plus mauvais moments de l'existence ne parvenaient pas à lui couper l'appétit. Mais, dans cette pièce si bien close, aux portes invisibles, il n'y avait absolument rien à se mettre sous la dent. Aussi, avec un profond soupir, alla-t-elle s'installer dans l'une des deux chaises d'ébène sculpté à haut dossier raide qui se faisaient vis-à-vis de chaque côté de la cheminée. Elles étaient

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