Il suffit d'un amour
d'Henri V
quand celui-ci pense se servir de lui. Quant au dauphin Charles, Monseigneur Philippe n'a jamais douté de sa légitimité, au fond, mais sa haine et ses espérances trouvent leur compte à ce reniement.
Guillaume de Champdivers avala une large rasade de vin, poussa un soupir de satisfaction et se cala confortablement sur ses coussins.
— On dit que le Dauphin fait tous ses efforts pour ramener la Bourgogne à lui et que, récemment, il avait envoyé un ambassadeur secret. Mais il serait arrivé malheur à l'envoyé ?
— En effet. Aux environs de Tournai, le capitaine de Montsalvy a été attaqué, laissé pour mort par une bande de routiers plus que probablement à la solde de Jean de Luxembourg, notre chef militaire qui est tout aux Anglais. Il a pu cependant en réchapper grâce à l'aide providentielle d'un infidèle, un médecin arabe qui se trouvait là, Dieu sait pourquoi, et qui l'a soigné parfaitement à ce que l'on assure.
L'attention de Catherine, un peu flottante durant tout cet échange de vues entre les deux hommes, s'était soudain fixée. Elle buvait maintenant les paroles de Garin. Mais celui-ci se tut pour choisir quelques prunes de Damas dans un grand plat posé devant lui.
Incapable de se contenir, elle se risqua à demander :
— Et... sait-on ce qu'est devenu cet envoyé ? A-t-il réussi à voir le duc ?
Garin de Brazey se tourna vers elle, mi-surpris, mi-amusé :
— Votre attention à nos propos, un peu austères pour une dame, est une heureuse surprise pour moi, Catherine ! Non, Arnaud de Montsalvy n'a pas vu Monseigneur Philippe. Ses blessures lui ont fait perdre beaucoup de temps et le duc avait quitté les Flandres bien avant qu'il lui fût permis de se remettre en route. Au surplus, Monseigneur lui a fait savoir qu'il n'avait rien à lui dire. Aux dernières nouvelles, le capitaine aurait regagné le château de Mehunsur-Yèvre où le Dauphin tient sa cour, pour y achever sa convalescence.
Le Grand Argentier semblait tellement bien renseigné sur les faits et gestes de l'entourage du Dauphin que Catherine brûlait de lui poser d'autres questions. Mais elle sentit que ce serait une erreur de montrer trop d'intérêt à un capitaine armagnac et se contenta de commenter :
— Souhaitons-lui plus de chance pour une prochaine ambassade.
La fin du repas lui parut longue et sans intérêt. Les deux hommes parlaient maintenant finances et, cette fois, Catherine n'y entendait rien. Marie de Champ- divers somnolait dans son fauteuil mais sans cesser pour cela de se tenir bien droite. Catherine, elle, se réfugia dans ses pensées et n'en sortit que lorsque Garin se leva en annonçant son intention de prendre congé.
La jeune fille jeta un coup d'œil rapide aux fenêtres. Un peu de jour s'y montrait encore. Il était trop tôt pour laisser partir Garin. Barnabé avait bien précisé : après le crève-feu. Elle s'écria, hâtivement :
— Quoi, messire, vous nous quittez déjà ?
Garin se mit à rire et, se penchant vers elle, la fixa avec une curiosité amusée :
— C'est décidément la soirée des surprises, ma chère ! Je ne pensais pas que ma compagnie vous fût aussi agréable.
Était-il réellement content ou bien glissait-il une bonne dose d'ironie dans ses paroles. Catherine décida que ce n'était pas le moment de s'en inquiéter et s'en tira par une dérobade.
— J'aime vous entendre parler, voilà tout ! fit-elle en baissant pudiquement les yeux. Nous nous connaissons si peu encore ! Aussi, à moins que vous n'ayez à faire ailleurs ou que cette soirée vous semble longue, restez encore un peu. Il y a tant de choses que j'aimerais apprendre de vous ! Songez que j'ignore tout de la Cour, de ceux qui la peuplent, de la manière dont il convient de s'y comporter...
Elle commençait à perdre pied et se maudissait d'être aussi maladroite.
Elle était consciente des regards étonnés qui se posaient sur elle et n'osait pas regarder son hôtesse de peur de lire une réprobation sur son visage. Réclamer ainsi la présence d'un homme devait paraître à la grande dame le comble de l'impudeur. Mais un secours inattendu lui vint du maître du logis, ravi de voir se présenter si bien un mariage qui l'intéressait tant.
— Restez encore un peu, mon cher ami, puisque l'on vous en prie si gracieusement ! Votre demeure n'est pas loin et je suppose que vous ne craignez guère les malandrins.
Avec un sourire à l'adresse de sa fiancée, Garin se rassit. Catherine
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