La Collection Kledermann
Adalbert étaient parmi nous…
Un moment plus tard, Oscar Zehnder pouvait enfin prendre, en toute quiétude, un repos durement gagné, et la villa Hadriana ses portes et ses persiennes hermétiquement closes semblait étendre sa protection innocente sur ses habitants. De l’autre côté du mur, la Malaspina, ignorant que son prisonnier lui avait échappé, avait tout à fait l’air de jouir de la même paix profonde cependant qu’au bas de ses jardins les deux dobermans continuaient paisiblement leur nuit… Il était plus d’une heure du matin…
Les deux cent quinze kilomètres séparant Zurich de Lugano allaient paraître à Aldo et Adalbert beaucoup plus longs et surtout plus pénibles que les six cents et quelque parcourus depuis Paris. Traversant le cœur de la Suisse, ils étaient presque entièrement montagnards. En outre, la petite pluie qui était apparue au moment du drame de Kilchberg s’était changée en averses rageuses qui noyaient le paysage et mettaient les essuie-glaces à rude épreuve. Ainsi que leurs nerfs. Et d’autant plus qu’en arrivant à Altdorf, à environ un tiers du parcours, ils n’avaient pas encore aperçu les feux arrière de Grindel. Aldo qui conduisait s’arrêta sur la place du village pour boire une tasse de café.
— On n’était pas si loin derrière et je n’ai pourtant pas mal roulé…
— Aucun doute là-dessus ! Je me demandais justement s’ils ne s’étaient pas planqués à l’écart de la route pour nous laisser passer. Après la fusillade ils doivent se douter qu’on s’est lancés à leurs trousses ?
— Alors on fait quoi ? On se met en embuscade pendant un moment pour vérifier ou on continue ?
— À mon avis, il vaut mieux continuer : le risque est trop grand d’arriver à la fumée des cierges. Mais si tu es fatigué je te relaie ! On n’est plus très loin du col du Saint-Gothard et par ce temps idyllique ça ne va pas être une partie de plaisir puisque l’hôtel nous a prévenus que le tunnel routier est fermé pour travaux !
— Tu veilles vraiment sur moi mieux qu’une nounou, sourit Aldo. Mais rassure-toi, ça va. Dès que j’en sens le besoin, tu reprends le volant !
On repartit et le cauchemar continua pour traverser quelques-uns des plus beaux paysages de là Suisse sans autre perspective que le ruban sinueux de la route éclairée par les phares sur laquelle la pluie ne cessait de tomber. Ce ne fut qu’en arrivant sur Airolo et au lever du jour qu’elle consentit enfin à lâcher prise et le soleil était bien présent quand, enfin, on aperçut Lugano…
Grâce à Dieu la rituelle – et heureusement l’unique – crevaison de pneu avait consenti à attendre que le jour soit venu et que l’on eût atteint la douceur du Tessin !
Il était neuf heures et Marie-Angéline en était à sa troisième tasse de café quand la cloche de la grille agitée par une main vigoureuse se fit entendre. Plan-Crépin se précipita mais Wishbone qui, pour s’occuper, maniait au jardin un râteau négligent l’avait devancée pour ouvrir les deux battants de fer forgé devant la voiture couverte de boue qu’Adalbert conduisit d’emblée au garage. À demi étranglée par la joie, elle sauta au cou d’Aldo avec une telle impétuosité qu’elle faillit le jeter à terre en criant :
— Merci, Seigneur ! Vous m’avez exaucée et les voilà !
Ce qui précipita tout le monde sur le perron. Ce fut un moment d’émotion intense, même de la part d’Hubert cependant peu porté aux effusions et même chez Oscar Zehnder qui se tint à quatre pour ne pas embrasser lui aussi les arrivants. Lesquels le reconnurent avec stupeur :
— Sacrebleu, professeur, qu’est-ce que vous faites là ?
— On va vous expliquer ! coupa M me de Sommières. Mais d’abord rentrons dans la maison ! Nous allons finir par ameuter tout le quartier !
On se retrouva dans la vaste cuisine où Marie-Angéline et Boleslas s’affairèrent à réconforter les voyageurs et à nantir les autres d’un supplément de petit déjeuner, cependant que la joie des retrouvailles cédait peu à peu la place à l’inquiétude sur les heures à venir.
— Si je comprends bien, après l’arrivée du professeur Zehnder, vous avez cessé de surveiller la villa ? fit observer Aldo.
— Vous avez mal compris, cousin ! Boleslas et moi, on a fini la nuit dans la tour. À mon âge, on ne fréquente plus beaucoup le bon sommeil de la jeunesse. Ce que je compense par une
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