La Collection Kledermann
s’insurgea Plan-Crépin. Il est attaché à cette monstruosité à ce point ?
— Je vais même vous dire mieux, mademoiselle ! Il était son amant et il l’aime toujours ! Et, naturellement, c’est lui qu’elle a envoyé me chercher en profitant d’une absence de son frère !
— Et il fera quoi le frère quand il reviendra ? s’enquit machinalement Wishbone.
— C’est ce que je ne sais pas.
Marie-Angéline prit le relais :
— Nous si, parce qu’on commence à le connaître, l’illustre descendant des Borgia, ce César de carnaval qui n’a même pas la grandeur sinistre de son soi-disant ancêtre ! Que vous acceptiez d’opérer ou que vous refusiez, il vous tuera !
Le Texan s’était soudain assombri. Ainsi ce qu’il avait entendu durant la première nuit à Hadriana, cette voix qui tentait de se libérer de ses chaînes et qui s’était brisée après deux notes, c’était bien celle de Lucrezia, la femme qu’il avait adorée et ne réussissait pas à oublier ! La sentir si proche lui causait une bizarre émotion. Il avait beau la savoir criminelle, menteuse et impitoyable, il n’en oubliait pas moins la terrible punition dont le ciel l’avait accablée parce qu’elle était une véritable œuvre d’art et que l’on n’avait pas le droit de détruire une pure merveille !
M me de Sommières qui l’observait du coin de l’œil lisait en lui aussi facilement que dans un livre. Elle devinait ce qu’il éprouvait et voulut l’aider. Elle se tourna vers le rescapé :
— J’aimerais vous poser une question, professeur.
— Mais je vous en prie…
— Si elle était venue vous consulter, dans votre service hospitalier, s’en remettant de façon normale entre vos mains et celles de vos assistants, auriez-vous pu réaliser ce miracle qu’elle attendait de vous ?
— Non. Et je l’en ai informée – rappelez-vous ! – en spécifiant que même sur une toute jeune femme il me serait impossible d’atteindre la perfection d’origine. C’est ce qui a déchaîné sa colère… et ma condamnation !
— Il faut qu’elle soit réellement folle à lier ! s’exclama Plan-Crépin. Et idiote par-dessus le marché ! Comment ne comprend-elle pas que vous représentez son unique chance de revivre au grand jour ? Vous pouviez lui rendre un visage au moins acceptable ?
— Un peu plus peut-être car les yeux sont intacts et fort beaux. Elle ne se serait évidemment pas reconnue dans une glace, mais en prenant patience et avec les soins appropriés, elle pourrait vivre comme tout un chacun, sans plus se cacher. Je ne connais pas son âge mais elle a dépassé les quarante ans ?
— Quarante et un et des poussières. Vous êtes lié, naturellement, par le secret professionnel. Ce serait donc le meilleur moyen d’échapper définitivement à la police judiciaire, à Scotland Yard et aux services internationaux qui la traquent. Elle est riche ; se procurer de faux papiers n’est certainement pas un obstacle pour elle. Et pourtant elle refuse cette chance inouïe ?
— Formellement !
— Pour elle c’est tout ou rien ? Alors c’est qu’elle est idiote !
— Pas complètement, rectifia la marquise. Pour ce genre de femmes habituées à vivre sous les feux de la rampe et avoir à leurs pieds des foules délirantes, se retrouver dans l’anonymat, passer inaperçue, devenir madame Unetelle doit être intolérable !
— Si on laissait de côté les états d’âme de cette femme ? ronchonna Hubert. Quand elle et sa clique vont s’apercevoir que le professeur Zehnder s’est envolé, que croyez-vous qu’ils vont faire ? Le chercher, évidemment. Et je redoute que leurs regards ne se tournent automatiquement du côté le plus proche : le nôtre. Il me semble que c’est ainsi que je réagirais, moi ?
— Grâce à Dieu, le commun des mortels n’a pas votre brillant cerveau, cousin ! ironisa Marie-Angéline. Notre proximité ne signifie rien puisque nous nous sommes arrangés pour que l’évasion paraisse s’être produite en empruntant le mur du bas de la Malaspina ! Dans l’immédiat on ne peut qu’attendre et offrir un lit à notre invité pour qu’il s’y repose et retrouve ses forces. En outre appeler Langlois afin de le mettre au courant et se tenir prêts à toute éventualité. Au cas où les gens d’à côté tenteraient une offensive contre nous… eh bien, on les recevra… et qui vivra verra ! J’avoue cependant que je me sentirais beaucoup plus tranquille si Aldo et
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