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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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mais il ne me reste plus que deux mètres. J’ai tout vendu à peine mis en vitrine.
    La couturière avait sué jour et nuit pour tailler la robe dans ces deux mètres de tissu, et le résultat était parfait. Tout ce qu’il y avait de plus tendance. Seulement, si elle voulait se donner le genre Anouk Aimée dans La Dolce Vita, Sophie réalisait que la robe noire, sensuelle et près du corps, serait plus adaptée. Partagée entre le rôle qu’elle avait décidé de jouer et la réalité de ses préférences, elle hésitait, confrontée à ses paradoxes.
    — D’après ce que j’ai cru comprendre, il faut une robe du soir pour les femmes et un smoking pour les hommes, précisa Béatrice qui l’observait du coin de l’oeil tout en essayant de rouler ses cheveux en chignon. On n’y coupe pas. C’est le premier dîner à bord et, même si ce n’est pas le repas de gala, on ne peut pas se permettre de fausse note. Après ce qui s’est passé ! J’étais paniquée. Et ce pauvre officier qui a dû te raccompagner jusqu’ici... Comme s’il n’était pas assez occupé !
    Sophie était sûre que Béatrice allait lui reprocher son vagabondage sur le bateau jusqu’à la fin du voyage et même après.
    — Finalement, je vais mettre la robe trapèze, coupa-t-elle d’un ton impertinent. Elle est plus tendance !
    — Peut-être, mais ce n’est pas une robe du soir, insista Béatrice contrariée.
    — Pourquoi ? Elle est en crêpe de laine, c’est chic. Et tu as vu ce petit galon brillant autour du cou ? Ça fait soir, non ?
    — La noire serait plus appropriée. Ce rose n’est pas d’un goût très sûr.
    Sophie commençait à être sérieusement agacée.
    — C’est quoi un goût très sûr ? Le beige ?
    — Je ne dis pas ça pour être désagréable, tempéra Béatrice qui en délaissa son chignon. Mais tu n’as pas l’habitude des dîners et des soirées. Il y a des codes très précis. Un chic particulier. La mode n’a rien à voir avec ça.
    Béatrice ne pouvait s’empêcher de vouloir marquer une supériorité dans chaque situation. Née dans un immeuble haussmannien au coeur du 16e arrondissement de Paris, elle rappelait sans cesse qu’en matière d’élégance seul Paris détient la vérité. Elle n’avait d’ailleurs jamais bien retenu l’origine géographique de la famille de Sophie. Tours, Toulouse, Orléans, Lyon, Marseille, Bordeaux ou Lille. Hors Paris, tout pour Béatrice Fréau ne portait qu’un seul nom : la Province.
    — Bon, eh bien, chic ou pas, trancha Sophie, moi ça m’est complètement égal. Je choisis la rose.
    — Comme tu veux, répondit Béatrice pincée. Je disais ça pour toi, pour t’éviter de faire une nouvelle erreur.
    Mais Sophie ne l’écoutait plus, tout en s’habillant elle repensait à cet officier. Où avait-elle vu son visage ? Avec le recul elle se disait qu’il y avait eu quelque chose d’irréel dans sa présence soudaine en uniforme au coeur du salon où elle s’était assoupie. Il n’y a qu’au cinéma que des situations pareilles arrivent, se dit-elle. Et cette pensée réveilla tout à coup dans sa mémoire ce qu’elle y avait cherché en vain.
    — Voilà, ça y est ! lâcha-t-elle alors. L’officier ressemblait à un acteur.
    — Qu’est-ce qui t’arrive ? interrogea Béatrice, surprise.
    Sophie ne répondit pas. Impossible de mettre un nom sur le visage de l’acteur. Décidément, sa mémoire lui faisait défaut. Cet acteur auquel elle pensait portait un uniforme... Elle fouillait dans ses souvenirs. Elle avait le nom sur le bout de la langue, mais il ne voulait pas sortir.
    Béatrice s’impatientait. Elle voyait bien que Sophie était ailleurs.
    — Je peux savoir à quoi tu penses ?
    — À rien.
    — Comment ça, à rien ? Tu es complètement dans la lune, bouche bée, et tu ne penses à rien ! À qui veux-tu faire croire ça ?
    — Je cherchais juste le nom d’un acteur.
    — Un acteur ! Et pourquoi cherchais-tu son nom ?
    — Pour rien, comme ça, je repensais à un film.
    Pas dupe, Béatrice établit immédiatement un lien entre les pensées de Sophie et la rencontre de cette dernière :
    — C’est l’officier qui t’y a fait penser ?
    Sophie détestait cette façon qu’avait Béatrice de s’immiscer dans ses pensées si elle y devinait quelque chose.
    — L’officier ? Je ne sais même déjà plus a quoi il ressemble. Si on me le montrait, je ne le reconnaîtrais pas, dit-elle

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