Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
Vom Netzwerk:
général pour assister au jugement. Heureusement le Diable secourut les accusés mieux que l'évêque. Comme il ouvre toutes les portes, il se trouva, un matin, que cinq des huit échappèrent. Les commissaires, sans perdre de temps, brûlèrent les trois qui restaient.
     
    Cela vers août 1609. Les inquisiteurs espagnols qui faisaient à Logrono leur procès n'arrivèrent à l'auto-da-fé qu'au 8 novembre 1610. Ils avaient eu bien plus d'embarras que les nôtres, vu le nombre immense, épouvantable, des accusés. Comment brûler tout un peuple ? Ils consultèrent le pape et les plus grands docteurs d'Espagne. La reculade fut décidée. Il fut entendu qu'on ne brûlerait que les obstinés, ceux qui persisteraient à nier, et que ceux qui avoueraient seraient relâchés. C'est la méthode qui déjà sauvait tous les prêtres dans les procès de libertinage. On se contentait de leur aveu, et d'une petite pénitence. (V. Llorente.)
    L'inquisition, exterminatrice pour les hérétiques, cruelle pour les Maures et les Juifs, l'était bien moins pour les sorciers. Ceux-ci, bergers en grand nombre, n'étaient nullement en lutte avec l'Église. Les jouissances fort basses, parfois bestiales, des gardeurs de chèvres, inquiétaient peu les ennemis de la liberté de penser.
     
    Le livre de Lancre a été écrit surtout en vue de montrer combien la justice de France, laïque et parlementaire, est meilleure que la justice de prêtres. Il est écrit légèrement et au courant de la plume, fort gai. On y sent la joie d'un homme qui s'est tiré à son honneur d'un grand danger. Joie gasconne et vaniteuse. Il raconte orgueilleusement qu'au sabbat qui suivit la première exécution des sorcières, leurs enfants vinrent en faire des plaintes à Satan. Il répondit que leurs mères n'étaient pas brûlées, mais vivantes, heureuses. Du fond de la nuée, les enfants crurent en effet entendre les voix des mères, qui se disaient en pleine béatitude. Cependant Satan avait peur. Il s'absenta quatre sabbats, se substituant un diablotin de nulle importance. Il ne reparut qu'au 22 juillet. Lorsque les sorciers lui demandèrent la cause de son absence, il dit : « J'ai été plaider votre cause contre Janicot (Petit-Jean, il nomme ainsi Jésus). J'ai gagné l'affaire. Et celles qui sont encore en prison ne seront pas brûlées. »
    Le grand menteur fut démenti. Et le magistrat vainqueur assure qu'à la dernière qu'on brûla on vit une nuée de crapauds sortir de sa tête le peuple se rua sur eux à coups de pierres, si bien qu'elle fut plus lapidée que brûlée. Mais, avec tout cet assaut, ils ne vinrent pas à bout d'un crapaud noir, qui échappa aux flammes, aux bâtons, aux pierres, et se sauva, comme un démon qu'il était, en lieu où on ne sut jamais le trouver.

V
    Satan se fait ecclésiastique, 1610
    Quelle que soit l'apparence de fanatisme satanique que gardent encore les sorcières, il ressort du récit de Lancre et autres du dix-septième siècle que le sabbat alors est surtout une affaire d'argent. Elles lèvent des contributions presque forcées, font payer un droit de présence, tirent une amende des absents. A Bruxelles et en Picardie, elles payent, sur un tarif fixe, celui qui amène un membre nouveau à la confrérie.
    Aux pays basques, nul mystère. Il y a des assemblées de douze mille âmes, et de personnes de toutes classes, riches et pauvres, prêtres, gentilshommes. Satan, lui-même gentilhomme, pardessus ses trois cornes, porte un chapeau, comme un Monsieur. Il a trouvé trop dur son vieux siège, la pierre druidique ; il s'est donné un bon fauteuil doré. Est-ce à dire qu'il vieillit ? Plus ingambe que dans sa jeunesse, il fait l'espiègle, cabriole, saule du fond d'une grande cruche ; il officie les pieds en l'air, la tête en bas.
    Il veut que tout se passe très-honorablement, et fait des frais de mise en scène. Outre les flammes ordinaires, jaunes, rouges, bleues, qui amusent la vue, montrent, cachent de fuyantes ombres, il délecte l'oreille d'une étrange musique, « surtout de certaines clochettes qui chatouillent » les nerfs, à la manière des vibrations pénétrantes de l'harmonica. Pour comble de magnificence, Satan fait apporter de la vaisselle d'argent. Il n'est pas jusqu'à ses crapauds qui n'affectent des prétentions ; ils deviennent élégants, et, comme de petits seigneurs, vont habillés de velours vert.
    L'aspect, en général, est d'un grand champ de foire, d'un vaste bal

Weitere Kostenlose Bücher