L'âme de la France
sensibles à la victoire de Condé à Rocroi (le 19 mai 1643), puis aux succès du même Grand Condé et de Turenne sur la Moselle et le Rhin (Fribourg, Nördlingen), ou dans le Nord (prises de Furnes et de Dunkerque).
Ils sont dressés contre la monarchie absolutiste, contre les impôts, les taxes que le pouvoir veut prélever, la guerre dévorant l'argent.
Un des traits majeurs de l'histoire nationale réside en effet dans cette question financière.
Les caisses de l'État, qui mène une grande politique, sont toujours vides. Il épuise les recettes fiscales des années à venir. Endetté, il pressure les plus pauvres.
Mal endémique, révoltes dans toutes les provinces, misère accablante à laquelle s'ajoutent les malheurs de la guerre et les poussées de la peste.
Les grands et les parlementaires conduisent leurs « frondes » contre le pouvoir, mais ce sont les humbles qui pâtissent des récoltes saccagées, des pillages perpétrés par la soldatesque.
En Champagne, « toutes les églises et les plus saints mystères sont profanés, les ornements pillés, les fonts baptismaux rompus, les prêtres ou tués ou maltraités ou mis en fuite, toutes les maisons démolies, toute la moisson emportée, les terres sans labour et sans semence, la famine et la mortalité presque universelles, les corps sans sépulture et exposés la plupart à servir de curée aux loups. Les pauvres qui restent de ce débris sont presque tous malades, cachés dans des cabanes découvertes ou dans des trous que l'on ne saurait presque aborder, couchés la plupart à plate terre ou sur la paille pourrie, sans linge ni habits que de méchants lambeaux. Leurs visages sont noirs et défigurés, ressemblant plutôt à des fantômes qu'à des hommes. »
Ce n'est pas cette situation cruelle qui pousse les parlementaires, en 1644, en 1648, en 1650, ou les grands, de 1650 à 1653, et les assemblées du clergé et de la noblesse, en 1650 et 1651, à conduire contre le pouvoir royal qu'incarne Mazarin la Fronde parlementaire ou la Fronde des princes.
Il s'agit, pour ces « élites » qui détiennent la richesse, les offices, le prestige, d'arracher à la monarchie absolutiste la réalité du pouvoir et de sauvegarder, de reprendre ou de multiplier leurs privilèges.
Cette opposition entre le pouvoir royal et les privilégiés est profonde et renaissante.
Mais la position des grands et des parlementaires est difficile à tenir, car d'autres forces entrent dans le jeu : pauvres des villes, artisans, ouvriers, apprentis, domestiques, appartenant à des couches sociales qui n'ont pas de biens à défendre ou à arrondir, mais qui veulent obtenir de quoi survivre.
Et les parlementaires comme les grands craignent par-dessus tout ces « sans-culottes », et à la fin les liens d'intérêt et la solidarité qui unissent les privilégiés au roi, en dépit de leurs divergences, l'emportent.
Ce jeu complexe des forces politiques et sociales structure notre histoire nationale.
On l'a déjà vu à l'œuvre plusieurs fois. Qu'on se souvienne d'Étienne Marcel (1358), ou des guerres de Religion, notamment à Paris.
Il ne peut que se reproduire.
Les besoins financiers d'un l'État absolutiste s'accroissant, il multiplie les créations d'offices, renforce les « corps intermédiaires » qu'il dépouille de tout pouvoir, mais dont il dépend. Dans le même temps, il s'endette, augmente les impôts, ce qui unit un temps contre lui toutes les couches de la société. La réunion des états généraux devient alors une revendication commune. Les derniers se sont tenus en 1614. On les réclamera à nouveau en 1651, mais ils ne se réuniront que quelque cent quarante ans plus tard, à la fin du xviii e siècle. Ce sera en 1789.
Ce qui est chaque fois en question, c'est la nature même du pouvoir, et donc le visage de la nation.
Ainsi, quand, le 13 mai 1648, le parlement de Paris invite les autres cours souveraines à se réunir à lui, les propositions élaborées visent à en finir avec l'absolutisme, à placer la monarchie sous la tutelle des parlementaires, c'est-à-dire à garantir aux membres des cours le pouvoir – et les privilèges – dont le souverain entend conserver ou s'arroger le monopole.
C'est déjà là une « réaction » nobiliaire et parlementaire. Les parlementaires veulent révoquer les intendants et les commissaires que les cours souveraines n'auront pas légitimés.
Le roi ne saurait de même, sans leur
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