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LE CHÂTEAU DANGEREUX

LE CHÂTEAU DANGEREUX

Titel: LE CHÂTEAU DANGEREUX Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Walter Scott
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son compagnon, autant qu’il était possible de conjecturer quel il était, car son manteau lui cachait une partie du visage, aurait pleinement disculpé et même garanti son camarade.
    Le plus jeune voyageur paraissait être de la première jeunesse, doux et gentil garçon, qui portait la robe d’Esclavonie, vêtement ordinaire du pèlerin, plus serrée autour de son corps que la rigueur du temps semblait l’exiger ou même le permettre. Sa figure, vue imparfaitement sous le capuchon de son costume de pèlerin, était prévenante au plus haut degré, et quoiqu’il portât aussi une épée, il était facile de voir que c’était plutôt pour se conformer à l’usage que pour s’en servir dans un but criminel. On pouvait remarquer des traces de chagrin sur son front, et de larmes sur ses joues ; telle était même sa tristesse, qu’elle semblait exciter la sympathie de son compagnon plus indifférent, qui d’ailleurs ressentait aussi sa part de la douleur qui laissait de pareilles traces sur une si aimable physionomie. Ils causaient ensemble, et, le plus âgé des deux, tout en prenant l’air respectueux qui convient à l’inférieur parlant à son supérieur, semblait, par le ton et les gestes, témoigner à son camarade de route autant d’intérêt que d’affection.
    « Bertram, mon ami dit le jeune voyageur, de combien sommes-nous encore éloignés du château de Douglas ? Nous avons déja parcouru plus de trente milles ; et c’était là, disais-tu, la distance de Cammock au château… ou comment appelles-tu la dernière hôtellerie que nous avons quittée à la pointe du jour ?
    – « Cumnock, ma très chère dame… Je vous demande dix mille fois pardon, mon gracieux jeune seigneur. »
    « Appelle-moi Augustin, lui répliqua son camarade, si tu veux parler comme il convient le mieux pour le moment. »
    « Oh ! pour ce qui est de cela, dit Bertram, si votre seigneurie peut condescendre jusqu’à mettre de côté sa qualité, mon savoir vivre ne m’est si solidement cousu au corps, que je ne puisse le quitter et le reprendre ensuite sans en perdre quelque lambeau ; et puisque votre seigneurie, à qui j’ai juré obéissance, a bien voulu m’ordonner que j’eusse à vous traiter comme mon pauvre fils, il serait honteux à moi de ne pas vous témoigner l’affection d’un père, d’autant plus que je puis bien jurer mes grands dieux que je vous dois des attentions toutes paternelles, quoique je n’ignore pas qu’entre nous deux ce soit le fils qui ait joué le rôle du père, le père qui ait été contenu par la tendresse et la libéralité du fils ; car quand est-ce que j’ai eu faim ou soif, et que la grande table de Berkely {3} n’a point satisfait tous mes besoins ? »
    « Je voudrais, répliqua la jeune personne, dont le costume de pèlerin était arrangé de manière à lui donner l’air d’un homme, je voudrais qu’il en eût toujours été ainsi. Mais que servent les montagnes de bœuf et les océans de beurre que produisent, dit-on, nos domaines, s’il y a un cœur affamé parmi nos vassaux, et surtout si c’est toi, Bertram, toi qui as servi pendant plus de trente ans comme ménestrel dans notre maison, qui dois éprouver un pareil mal ? »
    « Assurément, madame, répondit Bertram, ce serait une catastrophe semblable à celle qu’on raconte du baron de Fastenough, lorsque sa dernière souris mourut de faim dans la papeterie même ; et si j’échappe à ce voyage sans une telle calamité, je me croirai pour le reste de ma vie hors d’atteinte de la soif ou de la faim. »
    – « Tu as déja souffert une ou deux fois de pareils dangers, mon pauvre ami. »
    – « Ce que j’ai pu souffrir jusqu’à présent n’est rien en comparaison ; et je serais un ingrat si je donnais un nom si sérieux à l’inconvénient de manquer un déjeûner ou d’arriver trop tard pour dîner. Mais je ne comprends pas en vérité que votre seigneurie puisse endurer si long-temps un accoutrement si lourd. Vous devez sentir aussi que ce n’est pas une plaisanterie que de voyager dans ces montagnes, dont les Écossais nous donnent si bonne mesure dans leurs milles : et quant au château de Douglas, ma foi, il est encore éloigné de cinq milles environ, pour ne rien dire de ce qu’on appelle en Écosse un bittock, ce qui équivaut bien a un mille de plus. »
    « Il s’agit alors de savoir, dit la jeune personne en potassant un soupir, ce que nous ferons

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