le collier sacré de Montézuma
qu’il a été enlevé, avait dit Adalbert en allumant son troisième cigare, et de cela on peut remercier Langlois qui a eu la bonne idée de faire surveiller ce foutu mariage. Autrement, on serait dans le bleu le plus complet. Reste à savoir qui sont les ravisseurs et le pourquoi de la chose.
— Je ne peux pas m’empêcher de penser – quitte à encourir les foudres de Marie-Angéline ! – que ces Mexicains dont on ne sait rien ou si peu y trempent jusqu’au cou ! À l’évidence, ils nous détestent et méprisent Vauxbrun ! C’était écrit en toutes lettres sur les figures de la douairière et de son neveu. Quant à la sublime Isabel, la disparition de son fiancé n’a pas l’air de la troubler énormément. Alors question : pourquoi ont-ils accepté ce mariage ?
— Je ne vois qu’une réponse possible : l’argent ! Quand on a l’allure qu’il faut – et ils n’en manquent pas, je te l’accorde –, arborer toilettes et bijoux, descendre au Ritz ne présente pas d’obstacles insurmontables…
— Tu peux retrancher l’hôtel : c’est Gilles qui a dû s’en charger. Les vêtements sortaient de grandes maisons et je peux t’assurer que les bijoux portés par ces dames sont vrais. Ce qui ne change rien au fait que l’on ne sait pas d’où ils viennent…
— Ben… du Mexique !
— C’est là le hic . S’ils étaient espagnols, aucun problème. J’y compte pas mal d’amis et même quelques relations flatteuses depuis l’histoire du rubis de Jeanne la Folle…
— … et tu cousines avec la moitié du gotha européen, je sais ! soupira Adalbert.
— Essaie de l’oublier. Je n’ai rien dit de semblable ! Au sujet du Mexique, c’est une autre affaire : un, c’est loin ; deux, on y va de révolution en révolution ; trois : depuis Cortés, des familles nobles se sont implantées dans le pays et un certain mélange avec les autochtones s’est produit au cours des siècles. Il ne doit pas être très aisé de s’y retrouver. Enfin… je n’y connais strictement personne !
— Tu as des dizaines de clients américains qui font la pluie et le beau temps dans le coin.
— C’est possible mais je ne vois pas à qui je pourrais m’adresser.
— D’abord à Richard Bailey. Vauxbrun aussi a des clients outre-Atlantique… et des amis. Les mêmes que nous, en fait ! »
En voyant se froncer les sourcils de son ami, Adalbert se mordit la langue en se traitant d’imbécile. Il prenait trop tard conscience de ce qu’une silhouette de femme, tel un ange, venait de passer entre eux. Qu’avait-il besoin de rappeler le souvenir – encore frais sans doute ? – de la belle Américaine dont il savait pertinemment qu’elle avait laissé une trace sur le cœur de Morosini ? Comme s’il n’avait pas assez de soucis comme ça ! Aldo fit celui qui n’avait pas entendu.
« De toute façon, on parle pour ne rien dire. La seule stratégie à notre portée est d’attendre la suite de l’enquête ! Grâce à Dieu, Langlois est un bon flic et le dénommé Lecoq m’a l’air de se débrouiller pas trop mal. »
Il était parti là-dessus mais, au réveil, le problème retrouvait son acuité. La lecture des journaux ne lui en apprit pas davantage. Le Matin , sous la plume remarquablement discrète de Jacques Mathieu, se contentait de relater le mariage inachevé et de poser la question de ce qu’avait pu devenir le fiancé. Le ton restait léger, à cent lieues d’un drame éventuel. Idem pour Le Figaro et pour Excelsior ; et Aldo remercia le Ciel de cette retenue inhabituelle dont faisait preuve la presse parisienne. À moins que l’on ne retrouve rapidement Vauxbrun, cela ne durerait pas…
Il abordait l’idée d’un entretien avec le notaire de l’antiquaire quand un planton du quai des Orfèvres vint lui délivrer une invitation à se rendre chez le commissaire divisionnaire Langlois à 15 heures précises.
— Ça me paraît bien solennel, commenta Tante Amélie. Moi, je dirais que c’est une convocation.
— Sans doute, mais l’important est que Langlois ait du nouveau. Je ne le ferai pas attendre.
À l’heure dite, on l’introduisait dans le bureau du policier alors occupé à signer les documents qu’on lui présentait. Il leva la tête à l’entrée de son visiteur et, sans sourire, lui désigna l’une des deux chaises placées en face de lui. Sensible aux atmosphères, Morosini retint une grimace. Celle qui régnait dans
Weitere Kostenlose Bücher