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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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Chaffoureau souriait, ne paraissant pas comprendre ce qui lui arrivait. Après un signe d’accord de M. de Sartine, le lieutenant criminel se leva.
    — Je remercie le commissaire Le Floch, pour sa magistrale démonstration, appuyée sur des preuves et des présomptions suffisantes et nécessaires. À l’issue de cette séance extraordinaire, j’ordonne, au nom du roi, que Charlotte Galaine, Marie Chaffoureau, présumées coupables, et Charles Galaine, pour plus ample informé, soient incarcérés à la prison royale du Châtelet. La procédure normale suivra son cours. J’ordonne que la fille Ermeline Godeau, dite la Miette, soit placée dans une maison de force ; elle aura à répondre de ses actes si la raison lui revient. Les autres témoins demeurent à la disposition de la justice, mais sont remis en liberté.
    Naganda fut le seul à venir remercier Nicolas. Mme Galaine parut sur le point de lui parler, puis se ravisa et le salua avec un pauvre sourire contraint. Le père Raccard s’approcha et lui mit la main sur l’épaule.
    — Monsieur Le Floch, vous l’avez terrassé une seconde fois.
    — Qui donc, mon père ?
    — Celui dont le nom est légion 92 .

    Mercredi 7 juin 1770
    Préparée la veille au soir, lors d’un souper fort arrosé offert par Bourdeau chez Ramponneau au hameau des Porcherons, l’arrestation de Langlumé se déroula dans les conditions prévues. L’aube venait de poindre lorsqu’un fiacre et quatre cavaliers s’arrêtèrent devant une haute maison cossue du pourtour Saint-Gervais, dans le quartier de l’Hôtel de Ville. Sous les regards surpris d’un porteur d’eau et d’un garçon limonadier qui allait livrer un plateau de bavaroises accompagnées d’oublies, Nicolas, en robe de commissaire, et Bourdeau s’engouffrèrent sous le porche. Au premier étage, ils heurtèrent le marteau d’une porte en plein chêne, décorée de clous de cuivre. Une vieille femme en mantille et châle de laine vint leur ouvrir. Elle se présenta comme la mère du major, interrogea les arrivants sur la raison de leur irruption et indiqua que son fils dormait encore, mais qu’elle l’allait réveiller. Les larges manches de son costume gênaient Nicolas qui, cavalier plus que magistrat, les agitait sans relâche. Un pas traînant se fit entendre. Le major apparut, le visage défait. Sa chemise de nuit était juste dissimulée par une robe d’intérieur en piqué blanc. Il sursauta lorsqu’il reconnut Nicolas.
    — Comment, c’est vous ! Vous osez me déranger si tôt ! Que cherchez-vous ici ?
    Nicolas agita un papier.
    — Vous êtes bien le major Langlumé des gardes de la Ville ?
    — Oui, et vous connaîtrez bientôt ce qu’il vous en coûte !
    — Ce serait là agitation inutile, monsieur. Par ordre du roi, nous vous allons conduire à la Bastille. Vous pouvez consulter la lettre de cachet, si cela vous chante.
    — Vengeance de lâche ! dit Langlumé. Et de quoi suis-je accusé ?
    Nicolas sortit l’un des ferrets.
    — Cette chose ne vous rappelle rien ?
    — Si fait, monsieur, une plaisanterie bien innocente exercée aux dépens d’un freluquet bâtard de commissaire.
    — Notez, dit Nicolas, impavide, à Bourdeau : le prévenu réitère et injurie un commissaire au Châtelet dans l’exercice de ses fonctions.
    — C’est une dérision.
    — Nullement, monsieur, et vous allez en répondre. Et pendant que nous y sommes, que me dites-vous de ce second ferret ?
    — Mais rien. Il y en a mille pareils à celui-ci dans Paris.
    — Quelques-uns seulement ont été fabriqués pour maître Vachon, tailleur, fournisseur de M. Langlumé. Aussi vous saurais-je gré de nous montrer votre uniforme. Ne résistez pas, c’est une pièce que nous devons saisir.
    Nicolas et Bourdeau suivirent le major dans sa chambre, où il ouvrit un coffre. Bourdeau le bouscula ; il y eut entre les deux hommes un début de lutte. Au bout du compte, l’inspecteur brandit le vêtement comme un trophée. Nicolas s’approcha pour vérifier les aiguillettes ; deux ferrets identiques à ceux en sa possession, manquaient.
    — Major, je vous signifie d’ordre du lieutenant criminel qu’une enquête préliminaire est ouverte contre vous pour une tentative de meurtre sur la personne de Sieur Aimé de Noblecourt, ancien procureur du roi.
    — Vous gaussez, j’espère ? s’écria le major. Qu’est-ce que ce Noblecourt, que je ne connais ni de Vanves ni de

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