Le Fils de Pardaillan
découvrit au fond d’un tiroir. Elle revint dans la chambre, poussa une table contre la fenêtre et d’un geste brusque elle retourna la cassette et en vida le contenu sur la table.
Elle eut un geste d’amère déception. Il n’y avait pas d’argent. Rien que des papiers. Et un méchant étui de métal blanc qui ne valait certes pas quatre sols.
Elle s’en saisit et l’agita. Elle entendit le bruit d’un objet qui ballottait à l’intérieur. Vite, elle l’ouvrit et le vida, Il contenait un papier roulé et une petite bague en fer qui valait encore moins que l’étui. Elle la remit dédaigneusement en place et déplia le papier. Il était écrit en une langue étrangère. Voyant qu’elle ne parvenait pas à comprendre un seul mot, elle le remit avec la bague, reboucha l’étui, et sans se rendre compte de ce qu’elle faisait, elle le glissa dans la poche de son jupon.
Déçue sur ce premier point, elle revint aux papiers. Elle prit le plus gros rouleau. Il était écrit en français, celui-là. Elle lut avec une profonde attention, lentement, péniblement, car elle n’était pas très savante. Mais enfin, elle parvint à lire d’un bout à l’autre et à comprendre très bien.
C’était le récit de la tragique aventure de Blanche de Saugis, écrit en vue de l’enfant, encore à naître. Cette histoire la passionna, et quand elle eut terminé, elle se mit à réfléchir profondément.
– Ainsi la demoiselle Bertille s’appelle de Saugis !… Elle est dame châtelaine dans le pays chartrain… Elle est la fille du roi !… Le roi le savait-il ?… Peut-être oui, peut-être non… Ce qui est certain, c’est qu’il a eu la mère d’une manière… peu galante. C’est un secret important, cela !… Avec un secret pareil, on peut gagner une fortune… on peut aussi y gagner une bonne corde et une potence… Ouais !… Il faut réfléchir longuement avant de s’embarquer dans une affaire pareille… Le mieux, je crois, est de ne plus y songer !… Cependant, puisque Bertille est sa fille, m’est avis que le roi sera content qu’on lui dise ce qu’elle est devenue… Ceci rapportera moins, c’est évident, mais du moins, je n’y risque pas la hart ou la prison jusqu’à la fin de mes jours.
Elle remit le rouleau dans la cassette et se mit à parcourir les papiers au hasard.
Encore des papiers en langue étrangère. Puis un autre, en français, qui lui fit ouvrir des yeux énormes et lui donna des palpitations de cœur, terribles.
Les cires étaient fondues, elle n’y voyait plus. Elle chercha des yeux si elle ne trouverait pas quelque nouveau luminaire et elle s’aperçut alors que le jour filtrait à travers les joints de la fenêtre. Elle se leva, l’ouvrit toute grande et le jour pénétra à flots. Elle revint s’asseoir, prit le papier d’une main tremblante et le relut attentivement.
C’était une lettre datée de 1592, adressée à la mère de Bertille, et voici, textuellement copié, le passage qui avait tant ému la mégère :
« Je vous ai, chère aimée, souvent entretenue de ce galant homme qui s’appelle le chevalier de Pardaillan.
Vous savez qu’il fut mon ennemi, qu’il me blessa… [9] et me soigna comme un frère, après.
Vous savez, d’autre part, l’attachement profond et respectueux que j’ai toujours eu pour ma très gracieuse souveraine, la princesse Fausta.
Fausta, vaincue par Pardaillan, nous a licenciés et s’en est allée vers le pays du soleil et de l’amour : la radieuse Italie. Mais la souveraine n’a pas voulu s’éloigner sans récompenser royalement ceux qui l’avaient fidèlement servie. C’est grâce à ses libéralités que j’ai pu acheter la terre de Vaubrun, voisine de Saugis, et où je devais avoir l’ineffable bonheur de vous rencontrer… et de vous aimer.
Mon dévouement pour celle qui fut ma bienfaitrice est absolu. Mon dévouement pour celui qui, après avoir été un ennemi généreux et magnanime, est devenu un ami cher, est profond, réel.
Et voici qu’une occasion se présente peut-être de témoigner à l’un et à l’autre la reconnaissance dont son cœur est rempli.
Ces papiers que je vous envoie parce que je ne les juge pas en sûreté chez moi, ont une inestimable valeur, en ce qu’ils révèlent la mystérieuse cachette où ma souveraine a enfoui un trésor fabuleux.
Voici, à la fois, et l’histoire de ce trésor et comment ces papiers viennent de m’être confiés. Dépôt sacré
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