Le jour des reines

PROLOGUE
    Ogier d’Argouges a passé son adolescence au château de Rechignac, en Périgord. Pendant cinq ans, sous la double influence de son oncle Guillaume et de son sénéchal, Blanquefort, le damoiseau timoré s’est initié puis endurci au métier des armes. Alors qu’il s’apprête à regagner la Normandie, son pays natal, Robert Knolles et ses hordes cernent la forteresse et assaillent inlassablement les défenseurs qui, bien que peu nombreux, résistent. Pour en finir avec un siège de plus en plus meurtrier, un combat de champions – trois contre trois – est proposé par l’ennemi et accepté par Guillaume. Ogier y participe victorieusement et reçoit peu après les éperons d’or et la colée qui font de lui un chevalier.
    Anne dont il était épris s’est éclipsée avant l’attaque anglaise. Il aide la belle Tancrède, sa cousine aux sentiments ténébreux et changeants, à fuir les murailles pour lui éviter un mariage odieux. De retour à Gratot, sur les lieux de sa jeunesse prime, il retrouve son père, sa sœur Aude et les quelques serviteurs qui leur sont demeurés fidèles. Tous sont dans un grand état de dénuement et de solitude. Cet opprobre est la conséquence de l’infamie d’un baron voisin, Richard de Blainville, qui a fait endosser la responsabilité de la défaite de l’Écluse – 23 juin 1340 – au chevalier cotentinais Godefroy d’Argouges qu’Ogier, enfant, révérait. Luciane, sa mère, n’a pas survécu à tant d’injustice.
    Peu après leurs retrouvailles, Ogier et son père portent secours à Jean de Montfort, le prétendant malheureux au duché de Bretagne. Reconnaissant, il leur confirme que Blainville est un traître et leur révèle qu’il est l’instigateur d’un complot contre la France. Les conjurés anglais et français doivent se réunir en un lieu secret de Chauvigny à l’occasion des joutes qui chaque année, à Pâques, rassemblent une partie de l’élite chevaleresque.
    Ogier se rend dans cette cité poitevine en compagnie de son écuyer, Thierry Champartel, d’un sergent, Raymond, et d’Adelis qu’il a sauvée à Rechignac, peu avant l’attaque anglaise. Le dévouement de la jeune femme lui coûtera la vie.
    Après ces joutes de 1346 où il a fait merveille, Ogier apprend que les Anglais préparent un débarquement pour le mois de juillet, en Normandie. Il ne peut en avertir le roi : victime de Blainville, il est jeté dans un ergastule du château d’Angle-sur-l’Anglin et mis à la torture. Un Anglais, Hugh Calveley, est enfermé dans une geôle voisine. Ensemble, ils s’évaderont. En cheminant vers Paris, le jeune chevalier ne cesse de penser à Blandine. Il l’a connue sur le champ clos de Chauvigny. Ils se sont juré leur foi. Cependant, à peine a-t-il atteint la capitale qu’il est précipité, à la suite du roi, jusqu’à Crécy où les Anglais, qui ont effectivement débarqué à Saint-Vaast-la-Hougue, se sont retranchés après avoir dévasté la Normandie.
    Le 26 août 1346, la présomption des chevaliers français et les atermoiements du roi précipitent l’armée aux lis dans une de ses plus grandes défaites. Pour avoir secouru Philippe VI, Champartel est fait chevalier. À l’issue de sa fuite jusqu’au château de La Broye, le roi, consterné, apprend que son favori, Richard de Blainville, est un félon.
    Ogier ne manque ni de preuves ni d’audace. Un combat l’oppose à l’homme qui a déshonoré son père. Il parvient à le vaincre. Les lions diffamés des armes familiales recouvreront leur intégrité.
    Le jeune homme revient à Poitiers où les parents de Blandine ont leur demeure. Le comte de Derby assiège la cité mais Ogier sauve sa bien-aimée. Il l’épouse à Chauvigny et la conduit à Gratot. Bien vite, il déchante : Blandine est une créature différente de la jeune spectatrice qui s’était engouée pour ses triomphes à la joute parmi la damerie chauvinoise. De jours gris en jours sombres où naît parfois une lumineuse accalmie, le couple se détériore. C’est presque avec joie que le mari déçu rejoint l’ost qui se regroupe à Calais pour délivrer la cité assiégée depuis un an par les Anglais et où les gens succombent, victimes d’une effrayante famine.
    Le roi de France veut un coup d’éclat : une appertise. Il envoie Ogier et les gens des communes du Tournaisis à l’assaut de la tour de Sangatte, excellemment défendue. Ogier qui, pour se mouvoir aisément,