Le pays de la liberté
s'en rendaient compte : la plupart d'entre eux n'étaient pas plus libres qu'avant. Mais leurs fils pourraient s'en tirer.
´ McAsh, fit York, laisse-moi voir cette lettre. ª
Mack s'avança et la lui tendit.
33
Sir George, toujours rouge de colère, dit : Ét qui est ce prétendu avocat ?
- Il s'appelle Caspar Gordonson, dit Mack.
- Oh oui, fit York. J'ai entendu parler de lui.
- Moi aussi, ricana Sir George. Un radical, un extrémiste ! C'est un partisan de John Wilkes. ª Tout le monde connaissait le nom de Wilkes: le célèbre dirigeant libéral vivant en exil à Paris mais qui menaçait constamment de revenir pour saper l'autorité du gouvernement. Sir George poursuivit: Śi j'y peux quelque chose, cela vaudra la corde à Gordonson.
Cette lettre est de la trahison. ª
Le pasteur fut choqué de l'entendre parler de pendaison. ´Je ne crois guère qu'il s'agisse de trahison...
- Vous feriez mieux de vous limiter au royaume des cieux, dit sèchement Sir George. Laissez aux hommes d'autorité décider ce qui est trahison et ce qui ne l'est pas. ª Là-dessus, il arracha la lettre des mains de York.
Les fidèles étaient scandalisés de voir leur pasteur ainsi réprimandé : ils restèrent silencieux, en attendant de voir comment il allait réagir. York soutint le regard de Jamisson. Mack était certain que le pasteur allait défier le seigneur. Mais York baissa les yeux et Jamisson prit un air triomphant. Il se rassit, comme si l'incident était clos.
Mack était outré de la l‚cheté de York. L'…glise était censée être l'autorité morale. Un pasteur qui prenait ses ordres du seigneur n'avait aucune utilité. Mack lui lança un regard de franc mépris et déclara d'un ton railleur: Állons-nous respecter la loi ou non ? ª
Robert Jamisson se leva, rouge de colère comme son père. ´Tu vas respecter la loi et c'est ton seigneur qui va te dire ce qu'elle est, déclara-t-il.
- C'est comme si nous n'avions pas de loi du tout, répliqua Mack.
- C'est aussi bien, en ce qui te concerne, dit Robert. Tu es un mineur : qu'est-ce que tu as à voir avec la loi ?
quant à écrire à des avocats...ª Il prit la lettre que tenait son père. ´
Voilà ce que je pense de ton avocat. ª II déchira le papier en deux.
Les mineurs sursautèrent. C'était leur avenir qui était écrit sur ces pages, et voilà qu'il les détruisait.
Robert déchira la lettre en petits morceaux qu'il lança en l'air. Ils retombèrent sur Saul et Jen comme des confettis à un mariage.
Mack était aussi accablé que si quelqu'un venait de mourir. La lettre était la chose la plus importante qui lui f˚t jamais arrivée. Il comptait la montrer à tout le monde au village. Il s'était imaginé la porter à d'autres puits dans d'autres villages, jusqu'à ce que toute l'Ecosse en connaisse le contenu. Et dire que Robert l'avait anéantie en une seconde !
On devait lire l'abattement sur son visage, car Robert avait l'air triomphant. Cela mit Mack en rage. Il n'allait pas se laisser si facilement écraser. La colère le rendit provocant. Je ne suis pas encore vaincu, se dit-il. La lettre avait disparu mais la loi était toujours la même. ´Vous avez détruit cette lettreª, dit-il. Et il fut surpris du mépris cinglant de son ton. ´ Mais vous ne pouvez pas déchirer la loi du pays. Elle est écrite sur un papier qui ne se lacère pas si facilement. ª
Robert était abasourdi. Il hésita puis dit d'un ton furieux : Śors d'ici.
ª
Mack regarda Mr. York et les Jamisson se tournèrent aussi vers lui. Aucun profane n'avait le droit de donner l'ordre à un fidèle de quitter l'église.
Le pasteur allait-il s'incliner et laisser le fils du seigneur jeter dehors une de ses ouailles ? Ést-ce la maison de Dieu ou celle de Sir George Jamisson ? ª interrogea Mack.
C'était un moment décisif et York ne se montra pas à la hauteur. L'air penaud, il dit: ´McAsh, vous feriez mieux de partir. ª
Mack ne put résister à répliquer, même s'il savait que c'était de la témérité. ´Merci pour le sermon sur la Vérité, monsieur le pasteur, dit-il.
Je ne l'oublierai jamais. ª
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Il tourna les talons. Esther le suivit. Comme ils descendaient l'allée centrale, Jimmy Lee se leva et lui emboîta le pas. Un ou deux autres l'imitèrent, puis Ma Lee se leva à son tour et l'exode soudain devint général. Dans un bruyant raclement de bottes et un froissement de vêtements, les mineurs quittèrent leurs places, entraînant leur famille
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