Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Monique Demagny
Vom Netzwerk:
Oui, les choses avaient changé.

    De La Madeleine, la voiture tourna dans la rue du Faubourg-Saint-Honoré.
    — M’emmenez-vous au Roule ? Je n’y habite plus, remarqua Marigny, taquin.
    — Je pensais plutôt bifurquer vers les Champs-Élysées.
    — C’est une excellente idée. J’ai toujours aimé cette promenade.
    — Beaucoup de Parisiens partagent ce goût.
    — Tant mieux.
    La voiture avait rebroussé chemin jusqu’à la place pour reprendre de bout en bout l’allée centrale que Marigny avait prolongée au cœur des Champs-Élysées. Les feuilles des arbres qu’il avait fait replanter s’agitaient doucement. L’été était beau à Paris. Il faisait frais sous les arbres et les promeneurs étaient nombreux.
    — Voyez comme les Parisiens aiment cette allée !
    — Y voit-on toujours des vaches ?
    — Parfois… Certains trouvent la rencontre pittoresque, d’autres s’effraient et se plaignent.
    — Il faudrait tout de même renvoyer les vaches à leur campagne et laisser la promenade aux Parisiens.
    — Mais, monsieur, comment ces mêmes promeneurs trouveraient-ils du lait à la laiterie des Champs-Élysées si on ôte les vaches ?
    Marigny se laissa aller à rire. Au pas tranquille de leur cheval ils arrivèrent enfin à la hauteur de l’hôtel d’Évreux. Encore un fort moment d’émotion pour Abel, c’était la maison de Jeanne. Elle en avait fait prolonger les jardins sur les bois, sacrifiant cinq cents toises d’arbres achetées au roi pour dégager la vue et permettreau regard d’atteindre au-delà du fleuve l’Hôtel des Invalides. Marigny était songeur. Il avait dirigé les travaux et curieusement alors qu’on se souvenait à peine que Jeanne avait habité les lieux on accolait encore le nom de Marigny au « carré » qu’il avait aménagé. On se souvenait donc qu’il était alors le maître des Bâtiments ? La nostalgie l’envahit, le souvenir de Jeanne planait sur l’endroit.
    Quelques foulées et ils furent bientôt à la hauteur du Colisée qu’on avait commencé de démolir.
    — Le temps des bals et des jeux est fini ?
    — On le dirait bien.
    — Nous n’en pleurerons pas. Trop de marchands ont tenté de gâcher cet endroit paisible. Des gargotes, des bals, des vendeurs de colifichets, et que sais-je encore ?
    — Ils iront ailleurs.
    — Le plus loin possible, j’espère !
    Cochin était moins amer que Marigny.
    — On n’empêchera jamais les gargotiers de toute espèce de s’agglutiner là où le chaland passe.
    — Les marchands du Temple !
    — Peut-être, mais les promeneurs ne négligent aucune distraction que l’on met sur leur chemin. Cela fait partie de l’animation d’un lieu, de la vie…
    Marigny ne répondit pas, il s’était assombri. La jeune reine qui ne dédaignait pas de faire « comme tout le monde » avait commis l’imprudence de hanter les lieux une fois ou deux, et l’escapade était de celles qui contribuaient à ternir son image. La marquise de Marigny ?Peut-être était-elle venue. Elle n’était plus à une sottise près.

    Pour reprendre un peu de sérénité Cochin et Marigny s’arrêtèrent un moment au nouveau rond-point qui n’avait pas encore de nom. À angle droit une autre allée rejoignait le Cours-la-Reine où d’autres promeneurs aboutissaient en longeant le fleuve. Ils pouvaient maintenant rejoindre le rond-point et remonter vers la place Louis-XV. Une troisième allée, qui allait de la Seine au rond-point fermait en triangle l’espace occupé par les plantations des maraîchers. L’allée avait un nom, qui ne manquait jamais de faire sourire. C’était l’allée des Veuves.
    — Les dames s’y promènent-elles toujours ? interrogea Marigny, faussement sérieux.
    — Il faut bien vivre !
    Les deux hommes rirent. Les « veuves » étaient des femmes qui marchaient solitaires dans cette allée bien connue. Elles cherchaient une rencontre qui ne serait pas gratuite avec quelque galant pourvu d’une bourse garnie. Le terme de veuves était un euphémisme charmant. On savait encore parler et sourire, les temps n’étaient donc pas si tristes. La voiture allait toujours son train tranquille.
    — Irons-nous jusqu’à Neuilly, monsieur ?
    — Volontiers. Allons voir le pont de Péronnet !
    C’était un bout de chemin, mais là encore c’était l’œuvre de Marigny que l’on allait rencontrer. Il avait fait percer la grande allée des Champs-Élysées jusqu’à

Weitere Kostenlose Bücher