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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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de
désespoir, car il ne pouvait y avoir pire présage.
    Et pourtant, en dépit de ces signes
funestes, l’amour de Roxane et le désir de voir son fils chassaient les pensées
mélancoliques d’Alexandre.
    « Je me demande à qui il
ressemblera, disait-il. Mon maître Aristote considère la femme comme un
récipient destiné à recueillir la semence des hommes, voilà tout, mais, à mon
avis, il ne croit pas lui-même à cette théorie : il est évident que
certains individus ressemblent plus à leur mère qu’à leur père. C’est mon cas,
par exemple.
    — Pourquoi, comment est ta
mère ?
    — Tu feras bientôt sa
connaissance : je lui demanderai de venir pour la naissance de mon fils.
Elle était très belle, mais dix ans ont passé… dix années particulièrement
dures pour elle. »
    Au courant des mauvais présages qui
se succédaient depuis un certain temps, les amis d’Alexandre multipliaient les
invitations pour l’égayer. C’était à celui qui organiserait le plus de repas et
de banquets. Alexandre s’y rendait volontiers. Aussi passait-il ses journées et
ses nuits à manger et à boire sans retenue. Un soir, il regagna le palais la
tête lourde et les oreilles bourdonnantes. Il n’y accorda pas d’importance. Il
se plongea dans un bain puis s’étendit auprès de Roxane, qui s’était endormie,
la lanterne allumée.
    Le lendemain, il avait de la fièvre.
Balayant les insistances de la reine, il se leva et alla chez un de ses amis
grecs, arrivé depuis peu à Babylone, un certain Médios, qui l’avait invité à
déjeuner. Le roi était encore à table quand, à la tombée du soir, il fut pris
d’une douleur si aiguë au côté droit qu’il se mit à hurler. Les domestiques le
soulevèrent, le déposèrent sur un lit, et la douleur sembla bientôt s’atténuer.
    Un médecin, accouru immédiatement,
l’examina. Mais il n’osa pas toucher la partie douloureuse de son corps. Le roi
avait une grosse fièvre et se sentait particulièrement fatigué.
    « Je vais te faire transporter
au palais, sire.
    — Non, répondit Alexandre. Je
passerai la nuit ici. Je suis sûr que j’irai mieux demain matin. »
    Il dormit donc chez son ami Médios,
mais quand il s’éveilla le lendemain, sa fièvre avait augmenté, au lieu de
diminuer.
    Le troisième jour, son état ne cessa
d’empirer, mais il ne paraissait pas y prêter attention. Il convoqua son
état-major et, bien que Néarque et ses compagnons eussent remarqué qu’il ne se
sentait pas bien, discuta avec eux des détails de l’expédition et de la date
prévue pour le départ.
    « Nous pourrions tout
repousser, proposa Ptolémée. Fais-toi soigner d’abord, essaie de te rétablir.
Tu devrais peut-être changer d’air : ici, la chaleur est insupportable et
l’on dort plutôt mal. T’es-tu jamais demandé pourquoi le roi Darius passait
l’été à Ectabane, à la montagne ?
    — Je n’ai pas le temps d’aller
à la montagne, répondit Alexandre, et je n’ai pas le temps d’attendre que la
fièvre retombe. Je veux continuer ma route. Néarque, as-tu appris quelque chose
à propos de l’extension de l’Arabie ?
    — D’après certains, elle serait
aussi grande que l’Inde, mais cela me paraît difficile à croire.
    — De toute façon, nous allons
bientôt le savoir, répondit Alexandre. Vous vous rendez compte, les amis :
la terre des arômes, de l’encens, de l’aloès, de la myrrhe. »
    Ses compagnons feignirent
l’enthousiasme, mais ces paroles sonnaient à leurs oreilles comme un sombre
présage : le roi ne mentionnait-il pas des parfums qu’on utilisait pour
embaumer les corps ?
    Inquiète, Roxane fit appeler
Philippe, qui se trouvait alors au nord de la ville, où il soignait un
bataillon de l’armée, victime d’une épidémie de dysenterie. Mais quand l’envoyé
de la reine arriva au campement, le médecin était parti vers le nord sans
laisser d’indications précises concernant ses mouvements.
    Les trois jours qui suivirent,
Alexandre continua à remplir ses devoirs et ses diverses tâches, à offrir des
sacrifices aux dieux et à réunir ses compagnons pour organiser l’expédition
vers l’Arabie. Mais son état de santé se détériorait à vue d’œil.
    Lorsque, enfin, on mit la main sur
Philippe, la santé d’Alexandre semblait s’améliorer : sa fièvre avait
baissé. Le roi s’entretint un moment avec son médecin. « Je savais que tu
finirais par arriver, iatré, lui dit-il.

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