L'empereur des rois
guerre entre nos deux nations est une querelle inutile pour l’humanité…
Il le pense, mais il faudrait, pour parvenir à la paix, des concessions réciproques. Or, chacun se méfie.
En mai, lorsque Napoléon apprend que les Anglais ont décidé le blocus de tous les ports de l’Elbe à Brest, il s’indigne. Comment répondre à cette mesure, sinon en montrant que le Continent est unifié, ce qui suppose que l’on obéit et que l’on accepte la domination de l’Empereur, que l’on approuve cette réorganisation des États qui, du royaume de Naples à celui de Hollande, fait de Napoléon l’Empereur des rois ? Il est le souverain qui dicte sa loi, exige que tous les ports soient fermés aux Anglais.
Mais déjà le pape, en ce qui concerne ses ports, s’y refuse.
« Il verra, tonne Napoléon, si j’ai la force et le courage de soutenir ma couronne impériale. Les relations du pape avec moi doivent être celles de ses prédécesseurs avec les empereurs d’Occident. »
L’engrenage se met en route une nouvelle fois. Les négociateurs anglais, lord Yarmouth et lord Lauderdale, sont à Paris mais ils refusent de céder la Sicile, de renoncer au blocus. Et Fox meurt le 13 septembre 1806. Est-ce la fin du parti de la paix ? Napoléon s’interroge.
Le continent européen est son arme. Mais chaque pas qu’il fait pour le réunir sous son autorité déclenche des inquiétudes, suscite des ripostes.
Aux mois d’août et septembre 1806, alors qu’il séjourne au château de Saint-Cloud, puis à Rambouillet, Napoléon est plus impatient qu’à l’habitude de recevoir les dépêches de Berlin et de Saint-Pétersbourg.
Il sait que la Prusse est inquiète depuis qu’il a constitué la Confédération du Rhin sous son autorité. Quant à la Russie, elle a refusé de signer le traité de paix. Une quatrième coalition s’esquisse, regroupant la Prusse, la Russie et, naturellement, l’Angleterre. Mais Napoléon veut être prudent.
« Vous ne savez pas ce que je fais, dit-il à Murat. Restez donc tranquille. Avec une puissance telle que la Prusse, on ne saurait aller trop doucement. »
Point de guerre, la paix, voilà son voeu. Les soldats de la Grande Armée sont encore cantonnés en Allemagne et rêvent de rentrer en France.
« Je veux être bien avec la Prusse », répète Napoléon à Talleyrand. Que le ministre donne des consignes en conséquence à Laforest, l’ambassadeur de France à Berlin. Mais celui-ci envoie des dépêches alarmantes.
Napoléon les lit à mi-voix. Berlin arme. Les troupes prussiennes font mouvement vers la Hesse et la Saxe pour y devancer Napoléon et enrôler les armées de ces États dans les rangs prussiens.
Est-il possible que Frédéric-Guillaume et son épouse, la belle reine Louise, prennent ainsi le risque de la guerre ? Là où les armées russes et autrichiennes n’ont pas réussi, les Prussiens espèrent-ils vaincre ?
Le 10 septembre 1806, Napoléon dit à Berthier :
— Les mouvements de Prusse continuent à être fort extraordinaires. Ils veulent recevoir une leçon. Je fais partir demain mes chevaux et dans peu de jours ma Garde.
3.
Ce jeudi 11 septembre 1806, Napoléon, dans sa chambre du château de Saint-Cloud, reste longuement immobile devant la fenêtre ouverte.
Il est à peine 7 heures. Il s’est levé plus tôt que d’habitude. Il a convoqué le grand écuyer Caulaincourt, qui attend dans l’antichambre. Il doit lui ordonner de préparer toutes les lunettes, les portemanteaux, une tente avec un lit de fer, des tapis, de nombreux tapis épais pour le bivouac en campagne, et le petit cabriolet de guerre, puis de faire partir pour l’Allemagne une soixantaine de chevaux.
Napoléon a déjà établi que son quartier général s’installera à Würzburg, puis à Bamberg, au sud de l’Allemagne, à la jointure de la Prusse et de la Saxe. Là se rassemblera la Grande Armée, afin d’empêcher les troupes russes de rejoindre les troupes prussiennes. On pourra, à partir de là, remonter vers le nord, tourner les troupes de Frédéric-Guillaume et entrer dans Berlin.
Napoléon s’appuie au rebord de la fenêtre. Il réside au château de Saint-Cloud depuis le début du mois d’août. Il aime la forêt qui entoure les bâtiments. Il y chasse à sa guise, sur un coup de tête, quant tout à coup il est pris du besoin d’agir, de respirer.
Ce matin, la brume enveloppe la forêt. L’air est humide et frais. Il songe
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