L'empereur des rois
d’armée qu’il admire. Il imagine d’entrer dans son château de Sans-Souci à Potsdam, de visiter son tombeau, là où, l’année précédente, en octobre 1805, le tsar Alexandre, le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III et son épouse, la reine Louise, ont prêté serment d’alliance.
Contre moi .
La reine Louise, l’âme forte de cette coalition. Elle répète à tous : « Napoléon n’est qu’un monstre sorti de la fange. » L’ambassadeur de France l’a rapporté.
Napoléon arrête son cheval, regarde les troupes.
— J’ai près de cent cinquante mille hommes, dit-il d’une voix forte. Je puis avec cela soumettre Vienne, Berlin, Saint-Pétersbourg.
La guerre, donc.
Il rentre à Saint-Cloud.
« Si véritablement je dois encore frapper, dit-il, l’Europe n’apprendra mon départ de Paris que par la ruine entière de mes ennemis. […] Il est bon, continue-t-il, que les journaux me peignent occupé à Paris de plaisirs, de chasses et de négociations. »
Si cela était…
Il se surprend à imaginer cette vie pacifique, dans le calme et le faste des châteaux. Il organiserait l’Europe. Il bâtirait. Il irait de l’une de ses capitales à l’autre. Il aurait tant à faire.
Il dicte, le 12 septembre, une lettre pour Frédéric-Guillaume III.
« Je considère cette guerre comme une guerre civile… Si je suis contraint de prendre les armes pour me défendre, ce sera avec le plus grand regret que je les emploierai contre les troupes de Votre Majesté. »
Mais les troupes prussiennes sont déjà en marche. Le 18 septembre, elles occupent Dresde.
Les dés sont jetés. Il n’est plus temps de s’interroger. Il faut dicter au général Clarke, pendant plus de deux heures, le plan des mouvements de l’armée. Il faut donner l’ordre à la garde impériale de se mettre en route pour l’Allemagne.
Il faut veiller à chaque détail.
Napoléon écrit à Eugène : « Les affaires se méditent de longue main et, pour arriver à des succès, il faut penser plusieurs mois ce qui peut arriver. » Et, à cette guerre contre la Prusse, Napoléon songe depuis longtemps, sans la souhaiter, en espérant même l’éviter, mais en en ayant envisagé le déroulement.
Maintenant, il ne s’agit plus que de laisser sa pensée se dérouler.
Il dit à Berthier : « Je ne veux pas plus de quatre cents voitures. Mais je n’entends pas que la moitié soient des caissons d’outils ou des effets d’artillerie des compagnies. J’entends que ce soient des cartouches d’infanterie, des cartouches de canon, pour réparer des pertes et pour avoir vingt ou trente pièces de canons de plus en batterie le jour de la bataille. »
Il dit au maréchal Soult : « Je débouche avec toute mon armée sur la Saxe par trois débouchés. Vous êtes à ma droite, ayant à une demi-journée derrière vous le corps du maréchal Ney… Le maréchal Bernadotte est à la tête de mon centre… Il a derrière lui le corps du maréchal Davout, la plus grande partie de la réserve de la cavalerie de ma Garde… Avec cette immense supériorité de forces réunies sur un espace si étroit, vous sentez bien que je suis dans la volonté de ne rien hasarder et d’attaquer l’ennemi partout où il voudra tenir, avec des forces doubles… Vous sentez bien que ce serait une belle affaire que de se porter autour de cette place, Dresde, en un bataillon carré de deux cent mille hommes, cependant tout cela demande un peu d’art et quelques événements. »
Ce sont les derniers plans avant que les armées ne se mettent vraiment en mouvement. Et il sait qu’alors tout peut dépendre d’une circonstance imprévue, que les projets les plus précis peuvent être bouleversés, et que seules comptent, sur le terrain, l’acuité du regard et la rapidité de la décision.
Et c’est pourquoi il doit être au milieu de ses troupes, c’est pourquoi il doit courir aux avant-postes, essuyer les coups de feu de l’ennemi, pour voir de plus près le dispositif de l’adversaire.
C’est pourquoi il va devoir quitter Paris, le château de Saint-Cloud.
À cette idée, il est à nouveau saisi par un sentiment de lassitude, qu’il refoule, en voyant les cartes, en organisant une diversion au nord, puisqu’il compte avancer au sud.
« Comme mon intention n’est pas d’attaquer de votre côté, écrit-il à Louis, roi de Hollande, je désire que vous entriez en campagne le premier pour menacer l’ennemi. Les
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