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L'empereur des rois

L'empereur des rois

Titel: L'empereur des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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l’énergie ! De l’énergie ! » Puis il ajoute plus bas : « On ne fait le bien des peuples qu’en bravant l’opinion des faibles et des ignorants. »
     
    Il se calme, ce mercredi 31 décembre 1806.
    Dans la plus grande salle du palais épiscopal de Pultusk, assis devant la cheminée, il écoute deux chanteuses accompagnées par le compositeur d’opéra Paer. Il ferme les yeux. Le plaisir est d’autant plus fort qu’il a marché tant de jours sous la mitraille avec de l’« eau jusqu’au ventre ». Il peut enfin oublier l’« horreur ».
    Il rassure Joséphine ce 31 décembre : « Tu te fais des belles de la grande Pologne une idée qu’elles ne méritent pas… Adieu, mon amie, je me porte bien. »
    Le courrier de France vient d’arriver.
    Napoléon choisit parmi les dépêches une lettre de Fouché, qui envisage de demander à Raynouard, un auteur de théâtre, d’écrire une tragédie à la gloire de l’Empereur. Napoléon se souvient des Templiers , une pièce de Raynouard qu’il avait vue à Paris.
    « Dans l’histoire moderne, écrit-il à Fouché, le ressort tragique qu’il faut employer, ce n’est pas la fatalité ou la vengeance des dieux, mais – l’expression lui revient – “la nature des choses”. C’est la politique qui conduit à des catastrophes sans des crimes réels. M. Raynouard a manqué cela dans Les Templiers . S’il eût suivi ce principe, Philippe le Bel aurait joué un beau rôle ; on l’eût plaint et on eût compris qu’il ne pouvait faire autrement. »
     
    Lui, Napoléon, peut-il faire autrement que de continuer la guerre ? Qui le comprend ?
    Il parcourt des dépêches. Tout à coup, il sursaute.
    Sans commentaire, Fouché rapporte une nouvelle parvenue, dit-il simplement, au ministre de la Police générale, et qui doit intéresser l’Empereur.
    Le 13 décembre 1806, dans un hôtel particulier au 29, rue de la Victoire, Louise Catherine Éléonore Denuelle de La Plaigne, née le 13 septembre 1787, rentière, divorcée le 29 avril 1806 de Jean-Honoré François Revel, lectrice de la princesse Caroline, a donné naissance à un enfant mâle. Cet enfant a été prénommé Charles, et dit le comte Léon. Le père a été déclaré absent.
    Napoléon sent une chaleur lui parcourir tout le corps.
    Mon fils .
    Il essaie de rejeter ce qui s’est imposé à lui comme une certitude immédiate.
    Mon fils .
    Peut-il être sûr d’Éléonore, de cette habile et coquette intrigante que Caroline a poussée dans ses bras ?
    Mais elle n’aurait pas pris le risque de le tromper à ce moment-là, au printemps 1806, alors qu’il était à Paris, qu’il la voyait presque chaque nuit aux Tuileries, qu’elle habitait l’hôtel qu’il lui avait acheté.
    Ce ne pouvait être que son fils.
    Il le savait bien, qu’il pouvait avoir un fils.
    Il se doutait bien que Joséphine mentait. Elle ne pouvait que mentir, la vieille femme, la pauvre femme, en lui répétant qu’il ne pouvait donner naissance à un enfant.
    Un fils. Ce qui manque depuis l’origine à sa construction impériale.
    Il imagine un mariage avec une fille de roi.
    Il imagine.
    Puis il pense à Joséphine. Au divorce.
    Il va vers la fenêtre. Le château de Pultusk est enveloppé par le brouillard.
    Divorce, mariage, naissance. La nature des choses.

6.
    Napoléon, de temps à autre, lance une phrase à Duroc. Mais, comme s’il était distrait par le paysage de la plaine morne qu’ils traversent depuis qu’ils ont quitté Pultusk, ce matin du 1 er  janvier 1807, il s’interrompt après quelques mots.
    Il penche la tête afin de regarder le ciel bas qui annonce de nouvelles averses de neige. Il fait un nouvel effort, il dit : « Bennigsen, les troupes russes… »
    Duroc l’écoute le visage tendu, prêt à graver dans sa mémoire chaque mot.
    Napoléon se tait tout à coup. À quoi bon poursuivre ? Il ressent une sorte de dégoût. Pour ce pays.
    Il a écrit ce matin, avant de quitter le château épiscopal, ses instructions pour l’aide de camp qu’il compte envoyer au roi de Prusse, qui refuse toujours de signer la paix. Il faut que l’officier assure à Frédéric-Guillaume que « quant à la Pologne, depuis que l’Empereur la connaît, il n’y attache plus aucun prix ».
    À quoi accorde-t-il du prix ce matin ?
    Il faudra encore se battre contre Bennigsen, harceler de dépêches les maréchaux Ney et Bernadotte qui sont sur ses traces, les prévenir de ne pas

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