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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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le moignon de queue qui remuait frénétiquement ! Mensonge, le bon regard où il eût été impossible de démêler la moindre ironie ! Mensonge, cette langue qui léchait avec componction les mains du brave homme et la sauce qui y restait souvent ! Mensonge, ces petits abois amicaux, ces cabrioles qui secouaient de rire la panse du maître queux !
    Mais comment celui-ci aurait-il deviné la malice, l’hypocrisie et le mensonge du chien ?
    Pipeau acceptait rarement un morceau, si friand fût-il, des mains du cuisinier : il y avait à cela une raison toute simple, mais qui fut toujours ignorée de cet homme. Pipeau se servait lui-même.
    En cachette, au bon moment, il prenait ce qui lui convenait. Et c’était ainsi bien meilleur.
    – Il n’est pas gourmand, disait le maître queux. Il m’aime pour moi-même.
    Pas gourmand ! Justes dieux, c’est ainsi que se font les réputations bonnes ou mauvaises ! Pipeau pipait tout ce qu’il pouvait. Pipeau mettait l’office au pillage. Pipeau, fidèle à ses instincts, passait son temps à voler. Il devenait gras. Il devenait indolent. Les délices de Capoue l’amollissaient. Et cependant, il ne manquait pas de faire sa cour au maître de cet Eden, au dieu de ce paradis, c’est-à-dire au cuisinier l’hôtel.
    Mais Pipeau n’était pas seulement un chien voleur, un effronté menteur, comme nous croyons l’avoir prouvé en diverses circonstances. Lorsque nous présentâmes ce personnage au lecteur, il nous souvient d’avoir affirmé que c’était un chien paillard. Et c’est cette paillardise que nous devons démontrer si nous ne voulons encourir la réprobation qui atteint les calomniateurs.
    Ajoutons que nous eussions risqué le reproche et fait le silence sur les amours de Pipeau, si le récit de ces amours n’était intimement lié à des scènes importantes, et si la paillardise du chien n’avait eu, par contrecoup, une singulière influence sur l’histoire de quelques personnages auxquels nous osons croire que le lecteur s’intéresse.
    Donc, Pipeau, dans l’hôtel Montmorency, était le chien le plus heureux de la création.
    Ce bonheur fut sans mélange et sans remords jusqu’au jour où disparut le chevalier de Pardaillan. Le chien avait pour son maître – ou plutôt son ami – une adoration qui, de son côté, était sincère. Il est vraisemblable que le chien se souvenait très bien d’avoir été sauvé par le chevalier. Mais il aimait encore en lui cette indépendance vagabonde qui lui plaisait tant ; il aimait la gravité avec laquelle Pardaillan lui parlait. Il flairait en lui quelqu’un de très rapproché, quelque chose comme un parent, homme, c’est vrai, mais enfin aussi peu homme que possible avec lui, c’est-à-dire oubliant qu’il était le maître.
    Donc, à différentes reprises dans la journée, Pipeau montait jusqu’à l’appartement de son ami, constatait qu’il était là, entrait même parfois, et l’ayant vu s’en allait content.
    Le soir, régulièrement, il couchait près du lit et son grand plaisir, au matin, était d’attendre que Pardaillan ouvrit les yeux.
    Un soir – soir d’inquiétude et de douleur – l’ami ne reparut pas !
    De cette nuit-là, Pipeau ne ferma pas les yeux. Il alla et vint par l’hôtel, quêta, flaira, appela par de petits gémissements, le tout en pure perte. Le matin, il s’installa dans la rue devant la grande porte de l’hôtel. Ca ne pouvait pas se passer ainsi. Il allait revenir !…
    Il ne revint pas. Pipeau en oublia l’office lui-même. Et le cuisinier l’appela en vain. Même le digne homme ayant voulu le saisir par le collier, le chien gronda de façon à lui faire comprendre qu’il eût à le laisser tranquille : pour la première fois, il conçut des doutes sur l’affection de Pipeau et en demeura tout mélancolique.
    Cette journée se passa ainsi. Le soir, le chien ne rentra pas dans l’hôtel. Il continua d’attendre devant la porte.
    Et lorsque le jour revint, lorsqu’il fut bien persuadé que son maître ne reviendrait plus, il fila comme un trait.
    Où pensez-vous qu’il alla ?
    Eh bien, il courut à la Bastille ! » Qu’on m’aille soutenir, s’écria quelque part La Fontaine, ce maître des poètes, qu’on m’aille soutenir, après un tel récit, que les bêtes n’ont point d’esprit ! »
    Pipeau en avait certainement. Il venait de passer de longues heures à ruminer sur l’absence de son maître.
    – Où peut-il être, finit-il

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