L'épopée d'amour
pencher sur Jeanne d’Albret, avec tous les signes d’un violent chagrin.
– Vite ! Vite ! ordonna-t-elle. Qu’on cherche maître Paré… je viens de le voir… là… tenez…
Vingt courtisans se précipitèrent vers le médecin du roi. Mais déjà, grâce à un flacon que lui faisait respirer Catherine, la reine de Navarre reprenait ses sens et balbutiait.
– Ce n’est rien… la chaleur… l’émotion… c’est vous, mon cher enfant ?…
– Oui, madame, répondit Marillac d’une voix bouleversée. Plaise au ciel de prendre ma vie plutôt que la vôtre…
– Mais la vie de notre bonne cousine n’est pas en danger ! fit Catherine avec un sourire.
A ce moment, Ambroise Paré se penchait sur la reine et l’examinait attentivement.
– A moi ! râla tout à coup Jeanne d’Albret… Mon fils ! Je veux voir mon fils ! Oh ! je brûle ! Mes mains brûlent…
Paré saisit les mains de la reine, tandis qu’on courait chercher Henri de Béarn.
Jeanne d’Albret, pour la deuxième fois, perdit connaissance. Et cette fois le flacon de sels fut impuissant. Henri arrivait à ce moment. Il vit sa mère mourante. Il pâlit affreusement et, saisissant le médecin par le bras, lui dit d’une voix basse et terrible :
– La vérité, monsieur ! Au nom du Dieu vivant, la vérité !… Ma mère ?…
Paré, bouleversé lui-même, la tête perdue, murmura imprudemment :
– Elle va mourir !
Alors, Henri se jeta à genoux, saisit sa mère, se cramponna à elle, et les sanglots de ce roi qui paraissait si jovial, furent effrayants. Effrayante aussi fut la douleur de Marillac qui, ayant reculé quelque peu, s’adossait à une colonne pour ne pas chanceler.
Catherine avait porté les mains à ses yeux, et s’écriait :
– Oh ! mon Dieu ! Quel affreux malheur !… La reine de Navarre se meurt !
Et, de salle en salle, de groupe en groupe, étouffant les rires, chassant la joie, comme si le malheur eût secoué ses ailes sur le Louvre en fête, se propagea la sinistre rumeur parmi les huguenots, tandis que les catholiques surpris, effarés, se demandaient déjà quelle contenance il fallait garder :
– La reine se meurt !…
Coligny accourait à son tour. Condé, d’Andelot, les principaux huguenots se plaçaient autour de la reine de Navarre, comme s’ils eussent compris vaguement que ce malheur qui les frappait était peut-être un mystérieux avertissement de mort pour chacun d’eux.
Cependant Charles IX avait appris en pâlissant la nouvelle.
Il allait s’écrier, s’étonner, lorsque, comme tout à l’heure, il vit les yeux de sa mère fixés sur lui.
Et ces yeux lui recommandaient si impérieusement le silence, ils étaient d’une si formidable éloquence, que Charles IX comprit sans doute !
Il baissa la tête et dit tout haut :
– Allons, la fête est finie !
A ce moment, Catherine se rapprocha vivement de lui, et glissa dans son oreille :
– Au contraire, sire, la fête commence !…
Vingt minutes plus tard, toutes les lumières étaient éteintes au Louvre, et tout paraissait dormir. Seulement, le nombre des gardes avait été triplé à chaque porte.
Dans l’oratoire, Catherine et Ruggieri, pâles tous deux et suant le crime, causaient à voix basse.
– Que disait-elle ? demandait l’astrologue.
– Qu’elle brûlait… partout… et surtout aux mains… aux bras…
Ruggieri hocha la tête et dit :
– La chose s’est faite par les gants…
– Ah ! mon ami, ton coffret avec ce cuir de Cordoue, est une merveille…
– La merveille, dit Ruggieri, c’est que vous ayez fait accepter le coffret à Jeanne d’Albret sans éveiller ses soupçons. Comment avez-vous fait ?
Catherine sourit et dit :
– C’est mon secret, René !…
Le lendemain matin, le bruit se répandit dans Paris que la reine de Navarre était morte d’un mal foudroyant, d’une sorte de fièvre inconnue. Et à ceux qui s’étonnaient de cette mort imprévue, on répondait généralement qu’après tout, cela faisait une hérétique de moins et que cela n’empêcherait pas les Parisiens de se régaler des grandes fêtes qui auraient lieu incessamment pour le mariage d’Henri de Béarn et de Marguerite de France.
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Chapitre 8 GILLOT
I l est un personnage de ce récit qui va jouer un rôle plus accentué et que nous sommes obligés de suivre dans ses faits et gestes pour aboutir à la situation où nous l’avons laissé.
Ce personnage, insignifiant par lui-même,
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