Les Amours qui ont fait la France
en usant d’arguments que, dans l’ombre, saint Rémi lui soufflait.
Le roi, qui était fort épris, écouta Clotilde et fut troublé. Pourtant, il hésitait à recevoir le baptême car le fait d’abandonner les dieux de ses pères risquait de mettre en péril son autorité. Ainsi que le dit Kurth : « Les Francs, en effet, voyaient dans leurs rois les descendants de leurs dieux… Seuls les dieux et leurs enfants avaient le droit de commander aux peuples… Se faire chrétien, c’était renier ses ancêtres, c’était couper la chaîne de sa généalogie, c’était se priver de son titre à régner. Il fallait un courage très grand pour embrasser la foi du Christ [6] . »
Clotilde savait tout cela. Aussi se promit-elle de donner à Clovis le courage de se convertir et la force de faire admettre à ses guerriers le principe d’une royauté détachée des dieux ancestraux.
Pour commencer, elle obtint que leur premier enfant, prénommé Ingomir, fût baptisé. Pensant que le faste de la cérémonie pourrait avoir un heureux effet sur l’esprit de son mari, Clotilde eut soin de faire décorer l’église de voiles et de riches tapisseries. De tels détails étaient bien faits pour toucher un Barbare. Clovis fut émerveillé [7] .
— Quelle belle religion ! dit-il.
Hélas ! quelques jours plus tard, le petit Ingomir tomba malade et mourut. Toute l’œuvre patiente de la reine s’écroulait.
— Si cet enfant avait été consacré à mes dieux, dit le roi en colère, il serait vivant ; mais, comme il a été baptisé au nom de votre Christ, il n’a pu vivre [8] !
Clotilde ne se troubla pas.
— Je rends grâce, dit-elle, au puissant Créateur de toutes choses de ce qu’il ne m’a pas jugée indigne de voir associé à Son royaume l’enfant né de mon sein ; car je sais que les enfants que Dieu retire du monde pendant qu’ils sont encore dans les aubes (vêtus de blanc) sont nourris de Sa vue.
Clovis fut interloqué. Jamais il n’aurait pensé à cela. Cette sainte résignation le remplit d’une telle admiration qu’il en aima davantage encore la belle Clotilde et qu’il eut le désir de lui en fournir la preuve sans tarder.
Le résultat de ses bons soins ne se fit pas attendre : la reine donna bientôt le jour à un petit Mérovingien – qu’on appela Clodomir.
Cette naissance mit Clovis de bonne humeur. Clotilde en profita pour lui dire qu’elle serait fort heureuse s’il acceptait que l’enfant fût baptisé. Le roi, de nouveau, céda aux instances de sa chère épouse et la cérémonie eut lieu, surpassant en magnificence le baptême du premier-né. Mais, le lendemain, Clodomir tombait malade à son tour. Alors, Clovis commença à se lasser.
— Il ne peut arriver à celui-ci que ce qui est arrivé à son frère, dit-il avec amertume ; baptisé au nom de votre Christ, il va naturellement mourir.
La pauvre Clotilde avait peine à cacher sa grande gêne. Elle courut à l’église, s’y enferma pendant deux jours et pria tant, nous dit Grégoire de Tours, qu’elle obtint la guérison de l’enfant [9] .
Il était temps ! Clovis avait déjà décidé de ne jamais se convertir à une religion aussi dangereuse.
Clotilde, on s’en doute, sut le ramener rapidement à de meilleurs sentiments…
Le roi, pourtant, refusait toujours de recevoir le baptême. Il est vrai qu’il avait, pour l’heure, d’autres préoccupations : les tribus germaniques, qui, de tout temps, ont été fort turbulentes, menaçaient sans cesse de franchir le Rhin et de s’établir en Gaule. Or, un matin, on apprit que les Alamans, peuple de pillards audacieux, avaient envahi la plaine d’Alsace. Sans leur laisser le temps d’avancer à l’intérieur des terres, Clovis courut à leur rencontre avec tous ses Francs et les arrêta non pas à Tolbiac (Zulpich), près de Cologne, comme on l’a cru longtemps et comme la plupart des manuels d’histoire l’indiquent encore, mais non loin de Strasbourg, en un lieu qui n’a pas été identifié.
La légende veut qu’au cours de cette bataille, Clovis, voyant que l’avantage tournait en faveur de son ennemi, ait eu l’idée d’adresser une prière au « Dieu de Clotilde ». Aussitôt, les Alamans se seraient enfuis en désordre, et le roi franc aurait alors décidé de se faire baptiser pour remercier le Seigneur Christ…
Les historiens modernes rejettent cette thèse. Et ce n’est plus à la victoire sur les Alamans qu’ils
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