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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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ouvrira un feu d’enfer. Mais, pour l’heure, la retenue et la prudence s’imposent.
    Collot découvre les malles de Joséphine.
    — Vous voulez la quitter ? demande-t-il.
    — Plus rien de commun entre elle et moi.
    Napoléon se reproche cette réponse, mais sa rancoeur a été plus forte que la réserve qu’il doit s’imposer.
    Collot secoue la tête. Il argumente. Il ne s’agit pas, dit-il, de s’occuper de querelles domestiques.
    — Votre grandeur disparaîtrait, vous n’êtes plus aux yeux de la France un mari de Molière.
    Ces mots de raison, Napoléon ne peut les contester. Ils ouvrent un chemin en lui.
    — Il vous importe de ne pas débuter par un ridicule, conclut Collot.
    Napoléon ne peut accepter de se soumettre d’emblée à cette argumentation si forte, qu’il avait déjà développée en lui-même. Il s’emporte pour masquer son hésitation.
    — Non, c’est un parti pris, dit-il. Elle ne mettra plus les pieds dans ma maison. Que m’importe ce qu’on dira !
    Il s’éloigne. Il claque une porte. Il sait bien qu’il se ment. Il doit tenir compte de l’opinion. Et cependant, quand il retrouve Collot, que celui-ci insiste, se dit sûr que finalement Napoléon pardonnera, il crie :
    — Si je n’étais pas sûr de moi, j’arracherais ce coeur et je le jetterais au feu.
     
    Il ne veut plus penser à elle, mais il sait que, quoi qu’il ait dit, il n’a pas tranché. Elle est trop bien placée au centre de l’échiquier pour qu’il puisse la considérer seulement comme une épouse infidèle. Mais elle est aussi cela. Et elle est encore la femme qu’il désire.
    Voici Réal, l’adjoint de Fouché, qui demande à être reçu. Prudence. On s’observe. On se sonde. Fouché, dit Réal, est prêt à soutenir un projet qui sauverait la République du double péril, jacobin et royaliste. Il est ministre de la Police générale. Il peut apporter une aide financière substantielle. Collot avait déjà offert cinq cent mille francs.
    Si ces hommes risquent leur argent, c’est qu’ils croient à mon succès.
    Mais il ne faut pas perdre un jour. Napoléon est reçu par Gohier, le président du Directoire. C’est donc chez cet homme-là, si médiocre, si compassé, si timoré, que Joséphine passait ses soirées. Mais il est l’autorité. Il faut le circonvenir.
    — Les nouvelles qui nous sont parvenues en Égypte étaient tellement alarmantes, dit Napoléon, que je n’ai pas balancé à quitter mon armée pour venir partager vos périls…
    — Général, dit Gohier, nos périls étaient grands. Mais nous en sommes glorieusement sortis. Vous arrivez à propos pour célébrer avec nous les nombreux triomphes de vos compagnons d’armes…
    C’est donc cela qu’ils vont dire ! Mettre en avant les victoires des généraux Moreau, Brune, Masséna, qui ont desserré l’étau ennemi. Mais ils ne pourront pas faire taire, ou pas tout de suite, cette foule qui s’agglutine rue de la Victoire ou, le 17 octobre dans la matinée, devant le palais du Luxembourg, quand Napoléon se présente devant les Directeurs.
     
    Napoléon a choisi d’être en civil, le corps serré dans une redingote verdâtre, un chapeau haut de forme couronnant cette tenue étrange. Il porte, attaché par des cordons de soie, un cimeterre turc.
    On l’acclame alors qu’il baisse la tête. Et devant les Directeurs il garde la même attitude modeste. Il montre son arme.
    — Citoyens directeurs, dit-il, je jure qu’elle ne sera jamais tirée que pour la défense de la République et celle de son gouvernement.
    Il les regarde. Oseront-ils le condamner, lui reprocher d’avoir quitté l’Égypte alors qu’ils entendent la foule qui continue de crier son nom ? Ils savent bien qu’il faudra qu’on lui trouve une place dans la République. Il dévisage Barras, Gohier, Moulin. Il ne peut pas compter sur ceux-là. Tout au plus peut-il empêcher ces trois Directeurs de lui nuire. Il reste Sieyès et Roger Ducos, ces deux-là sont des alliés, et c’est avec eux qu’il faut jouer, mais tout le visage de Sieyès exprime à la fois la suffisance et la méfiance. Il veut garder la maîtrise du jeu.
    Lucien a rapporté ce qu’il a confié à ses proches : « L’épée de Bonaparte est trop longue. »
    Il faut donc le rassurer. Ou bien se rendre indispensable. Car sur quel autre général pourrait compter Sieyès ?
    On se congratule. Les cinq Directeurs n’oseront rien contre lui.
     
    Il sort du palais

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