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[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz

[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz

Titel: [Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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d’héritier, d’enfant, encore d’enfant.
    — C’est vide de sens, a dit Napoléon.
    Roederer, pas plus que les autres idéologues, n’a idée de ce que c’est que le gouvernement.
    « Il n’y a que moi qui par ma position le sache. Je suis dans la persuasion que personne autre que moi, fût-ce Louis XVIII, fût-ce Louis XIV, ne pourrait gouverner en ce moment la France. Si je péris, c’est un malheur. »
     
    Mais toute la soirée cette conversation est revenue, comme une gêne lancinante. Au matin du 3 juillet, elle a laissé des traces sur le visage de Napoléon.
    Il passe les troupes en revue, monté sur un cheval blanc caparaçonné de velours nacarat brodé d’or. Les peintres Isabey et Vernet ont installé leur chevalet. Dans la journée, il voit l’esquisse d’Isabey.
    — Est-ce moi, cet homme dans une redingote délavée, penché sur l’encolure du cheval si richement paré ? Cette tristesse sur le visage gris de pierre, ces yeux enfoncés et brillants, presque fiévreux, sont-ils les miens ? Est-ce que je donne cette sensation de fatigue et de mélancolie ?
    — Je vous ai fait comme vous êtes, citoyen Premier consul, répond Isabey.
     
    Il n’aime pas ces cérémonies auxquelles, durant plusieurs jours, il doit se prêter. Elles sont nécessaires mais elles l’épuisent. Il faut inaugurer un quai Desaix, traverser le Champ-de-Mars et l’esplanade des Tuileries dans la chaleur du 14 juillet, avec la foule qui rompt les barrières, envahit les Invalides et l’acclame.
    Heureusement, il y a ce moment d’enchantement et de promesse, quand il voit Giuseppina Grassini s’avancer dans la nef du Temple de Mars, l’église des Invalides. Elle chante sous les drapeaux pris à l’ennemi. Sa voix annonce les plaisirs de la nuit, quand elle se présentera, comme il en est convenu, à la petite porte de l’appartement d’entresol, et qu Roustam lui ouvrira, la guidera vers la chambre. Moment de paix.
    Mais, d’ici là, il faut assister au banquet de cent couverts qui se tient aux Tuileries.
    Avec impatience, Napoléon guette l’instant des toasts. Le président du Tribunat lève son verre « à la philosophie et à la liberté civile ! » Napoléon lance d’une voix forte, avant qu’il soit assis : « Au 14 juillet ! Au peuple français, notre souverain à tous ! »
    On l’applaudit à tout rompre, alors qu’il quitte la salle.
    Giuseppina Grassini l’attend déjà, il en est sûr.
    Que savent-ils de moi, alors que je connais tout d’eux, que je sais qu’ils auraient applaudi quoi que j’aie dit ?
     
    Le lendemain matin, comme chaque jour, il écoute les consuls, les membres du Conseil d’État ou bien ceux d’une commission qu’il a créée pour rédiger un code civil.
    Mais la colère le gagne souvent.
    Que comprennent-ils des nécessités du pays ? L’avidité dicte souvent leur raisonnement.
    Bien sûr, il accepte le désir d’hommes – et ses propres frères ! – soucieux de s’enrichir. Bourrienne lui-même, qu’il voit à chaque heure tous les jours, ne pense qu’à cela. Il y a aussi les courtisans, ceux qui rêvent d’un mariage avec Hortense de Beauharnais. Duroc et Bourrienne l’ont espéré. Mais cela le choque.
    — Je suis entouré de coquins ! s’exclame Napoléon. Tout le monde vole ! Comment faire ? Ce pays-ci est corrompu. Il en a toujours été de même. Quand un homme était ministre, il bâtissait un château.
    Il sort dans le parc de la Malmaison, fait quelques pas, retourne travailler, oubliant l’heure des repas, ne leur consacrant qu’une dizaine de minutes, s’isolant avec les consuls, les ministres, les membres de l’Institut ou les généraux venus de Paris.
    Il les observe. Ces officiers, qu’il connaît depuis des années déjà, ont changé.
    — Quand on a été à tant de guerres, murmure-t-il, qu’on veuille ou qu’on ne veuille pas, il faut bien avoir un peu de fortune.
     
    Mais le peuple ? Ce peuple qui s’est insurgé au nom de l’égalité, il y a seulement dix ans, comment lui faire accepter cette richesse des uns face à la pauvreté de la plupart ?
    Napoléon s’emporte contre les bavards, les idéologues qui n’imaginent même pas que cette question se pose. Ils prononcent des compliments inutiles. Un jour, au Tribunat, il les tance.
    — Je ne suis pas un roi, leur dit-il. Je ne veux pas qu’on m’insulte comme un roi. On me traite comme un magot royal !
    Il les regarde, ces

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